féconde ; au lieu de voir ses richesses arrosées deS
sueurs, des larmes, du sang de l’esclave, il les a reçues
de l’audace de l’homme libre; au lieu de précipiter
sans cesse d’infortunées générations dans les gouffres
de la terre, il a formé des hommes robustes, des
marins intrépides, des navigateurs expérimentés, des
citojens heureux.
Jetons un coup-d’oeil sur ces grandes entreprises,
sur ces grandes manoeuvres, sur ces grandes opérations;
car qui mérite mieux le nom de grand, que ce
qui donne à un peuple sa nourriture, son commerce,
sa force, son habileté, son indépendance et sa vertu?
Disons seulement auparavant que tout le monde
connoît trop le hareng, pour que nous devions décrire
toutes ses parties.
On sait que ce poisson a la tète petite; l’oeil grand;
l’ouverture de la bouche courte; la langue pointue
et garnie de dents déliées; le dos épais; la ligne latérale
à peine visible; la partie supérieure-,noirâtre;
l’opercule distingué par une tache rouge ou violette;
les côtés argentins; les nageoires grises; la laite ou
l'ovaire double; la vessie natatoire simple et pointue
à ses deux bouts; l’estomac tapissé d’une peau mince;
le canal intestinal droit, et par conséquent très-court;
le pylore entouré de douze appendices; soixante-dix
côtes; cinquante-six vertèbres.
Son ouverture branchiale est très-grande; il n’est
donc pas surprenant qu’il ne puisse pas la fermer facilement
quand il est hors de l’eau, et qu’il périsse
bientôt par une suite du dessèchement de ses branchies
‘.
Il a une caudale très-haute et très-longue; il a reçu
par conséquent une large rame; et voilà pourquoi il
nage avec force et vitesse fji
Sa chair est imprégnée d’une sorte de graisse qui lui
'donne un goût très-agréable, et qui la rend aussi plus
propre à répandre dans l’ombre une lueur phospho-
rique. La nourriture à laquelle il doit ces qualités,
consiste communément en oeufs de poisson, en petits
crabes et eu vers. Les habitans des rivages de la Norvège
ont souvent trouvé ses intestins remplis de vers
rouges, qu’ils nomment roë-aat. Cette sorte d’aliment
contenu dans le canal intestinal des harengs fait qu’ils
se corrompent beaucoup plus vite si l’on tarde à les saler
après les avoir pêchés : aussi, lorsqu’on croit que ces
poissons ont avalé de ces vers rouges, les laisse-t-on
dans l’eau jusqu a ce qu’ils aient achevé de les digérer.
On a cru pendant long-temps que les harengs se
retiraient périodiquement dans les régions du cercle
polaire; qu’ils y cherchoient annuellement, sous les
glaces des mers hyperboréennes, un asyle contre leurs
ennemis, un abri contre les rigueurs de l ’hiver; que,
n’y trouvant pas une nourriture proportionnée à leur
Discours sur la nature des'poissons.
“ Ibidem,