fluide abondant et visqueux, fournit cette hude qui
accélère le mouvement de tant de machines, assouplit
tant de substances, et entretient dans l’humble cabane
du pauvre cette lampe sans laquelle le travail, suspendu
par de trop longues nuits, ne pourroit plus alimenter
sa nombreuse famille; depuis les poissons que Ion ne
peut consommer que très-près des parages où ils ont
été pris, jusqu’à ceux que des précautions bien entendues
et des préparations soignées conservent pendant
plusieurs années et permettent de transporter au
centre des plus grands continens; depuis les salmones,
dont les arêtes sont abandonnées , dans des pays disgraciés,
au chien fidele ou a la vache nourricière, jusqu’à
ces gastérostées qui, répandus par myriades dans
les sillons, s y décomposent en engrais fertile; et enfin,
depuis la raie, dont la peau préparée donne cette garniture
agréable et utile connue sous le nom de beau
galuchat, jusqu’aux acipensères, et à tant d’autres poissons
dont les membranes, séparées avec attention de
toute matière étrangère, se convertissent en cette colle
>qui, dans certaines circonstances, peut remplacer les
lames de verre, et que les arts réclament du commerce
dans tous les temps et dans tous les lieux !
Mais quelque prodigieux que doive paroître le
nombre des poissons que l’homme enlève aux fleuves
et aux mers, des millions de millions de ces animaux
échappent à sa vue, à ses instrumens, à sa constance.
Plusieurs de ces derniers périssent victimes des habi-
S Ü R L A P Ê C H E . xlix
tans des eaux, dont la force l’emporte sur la leur; ils
sont dévorés, engloutis, anéantis, pour ainsi dire, ou
plutôt décomposés de manière qu’il ne reste aucune
trace de leur existence. Plusieurs autres cependant
succombent isolément à la maladie, à la vieillesse, à des
accidens particuliers, ou meurent par troupes, empoisonnés,
étouffés, ou écrasés par les suites d’un grand
bouleversement. Il arrive quelquefois, dans ces dernières
circonstances, qu’avant de subir une altération
très-marquée, leurs cadavres sont saisis par des dépôts
terreux qui les enveloppent, les recouvrent, se durcissent,
et, préservant leur corps de tout contact avec
les élémens destructeurs, en font en quelque sorte des
momies naturelles, et les conservent pendant des siècles.
Les parties solides des poissons, et notamment les squelettes
de poissons osseux, sont plus facilement préservés
de toute décomposition par ces couches tutélaires;
et d’ailleurs ils ont pu résister à la corruption pendant
un temps bien plus long que les autres parties de ces
animaux, avant le moment où ils ont été incrustés,
pour ainsi dire, dans une substance conservatrice. Ces
squelettes reposent au milieu de ces sédimens épais,
comme autant de témoins des révolutions éprouvées
par le fond des rivières ou des mers. Les couches qui
les renferment sont comme autant de tables sur lesquelles
la Nature a écrit une partie de l’histoire du
globe. Des hasards heureux, qui donnent la facilité de
pénétrer jusque dans l’intérieur de la croûte de la
t o m e y . G