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écailles épaisses, dures et osseuses, dont toute leur surface
est revêtue, forment une cuirasse impénétrable à
la dent de presque tous les habitans des eaux, comme
l ’enveloppe des ostracions, les boucliers des acipen-
sères, la carapace des tortues, et la couverture des
caymans, dont nous avons conservé le nom à l’espèce
de lépisostée la plus anciennement connue. A l’abri
sous leur tégument privilégié, plus confians dans leurs
forces, plus hardis dans leurs attaques, que les ésoces,
les synodes et les spbyrènes, avec lesquels ils ont de
très-grands rapports; ravageant avec plus de sécurité le
séjour qu’ils préfèrent, exerçant sur leurs victimes une
tyrannie moins contestée, satisfaisant avec plus de facilité
leurs appétits violens, ils sont bientôt devenus plus
voraces, et porteroient dans les eaux qu’ils habitent
une dévastation à laquelle très-peu de poissons pour-
î-oient se dérober, si ces mêmes écailles défensives qui,
par leur épaisseur et leur dureté, ajoutent à leur audace,
ne diminuoient pas, par leur grandeur et leur
inflexibilité, la rapidité de leurs mouvemens, la facilité
de leurs évolutions, l’impétuosité de leurs élans, et ne
Acus seu belone americana* * squamis durissimia cat^pforacta. Plumier}
manuscrit déjà cité de la Bibliothèque nationale.
Poisson armé de la rivière de Saint-Laurent. Id. ibid.
* Lepisosteus spatula..
8 Lepisosteus roboîo.
Esox chilensis. Lihné, édition de Gmelin.
Molina. Hist. natur. Chil. p. 196. .
Ésoce robolo. Bonnaterre3 planches de VEncyclppédie méthodique.
laissoient pas ainsi à leur proie quelque ressource dans
l’adresse, l’agilité et la fuite précipitée. Mais cette même
voracité les livre souvent entre les mains des ennemis
qui les poursuivent : elle les force à mordre sans précaution
à l’hameçon préparé pour leur perte; et cet
effet de leur tendance naturelle à soutenir leur existence
leur est d’autant plus funeste par son excès,
qu’ils sont très-recherchés à cause de la bonté de leur
chair.
Le gavial particulièrement a la chair grasse et très-
agréable au goût. On le trouve dans les lacs et dans' les
rivières des deux Indes, où il parvient à un mètre de
longueur. La dentelure remarquable qu’on voit aux
premiers rayons de toutes ses nageoires et au dernier
de sa caudale, provient de deux séries d’écailles os-
seusesy alongées et pointues, placées en recouvrement
le long et au-dessus de ce premier rayon, qui d’ailleurs
est articulé. La forme générale de sa tête ; le très-grand
alongement de SeS‘ mâchoires ; leur peti de largeur; le
sillon longitudinal creusé dé chaque Côté de la mâchoire
den-haut; les pièces osseuses,I-inégales], irrégulières,
ciselées ou rayonnées, articulées fortement les unes avec
les autres, et enveloppant la tête proprement dite, ou
composant les opercules; la-quantité, la distribution,
l’inégalité et la figure-des-dents; la position des deux
ôrinces de chàqdé nabi ne q ne l’on décou vre à l'extrémité
du museau ; la situation des yeux, très-près de
l’angle de la bouche : tous ces traits lui donnent beaucoup