« glaces éternelles. Les ports qu’il peut y avoir sont
« entièrement remplis de neige glacée d’une grande
« profondeur, et, s’il en était d’assez ouvert pour y
« admettre un vaisseau, ce bâtiment courrait risque
« d’y rester attaché pour jamais ou de rester au mi-
« lieu d une île de glace : les iles et les radeaux qui
« sont sur la côte, les gros morceaux de glace qui
« tournent dans le port ou de lourdes et pesantes
« ondées de neige, accompagnées d’une gelée vive,
(( seraient également funestes. »
Il fallait que cet intrépide navigateur eût cruellement
souffert dans le cours de sa campagne, qu’il
crut bien avoir épuisé toutes les ressources de son
courage et de ses talents pour oser avancer une
pareille assertion. Qui peut, en effet, assigner des
bornes cà l’audace de l’homme? quel mortel pourra
jamais poser le nec plus ultrà qu’un autre plus heureux
ou plus téméraire ne pourra pas franchir? D’ailleurs
Cook ne devait-il pas sentir que ses propres
efforts, tout inutiles qu’ils avaient été pour la reconnaissance
du continent antarctique, n ’en faciliteraient
pas moins la voie à ses successeurs. Sans risquer
autant que lu i, ceux-ci pourraient arriver à des résultats
qui îiii avaient été refusés, et sa route était
déjà une trace lumineuse frayée dans ces mers inhospitalières.
Enfin, sans s’en douter, Cook avait lui-même aperçu
le coin de ce continent antarctique dont il ne faisait
que soupçonner l’existence. En effet, voici comment
ü s’exprime au sujet des glaces qu’il avait sous les
yeux le 30 janvier 1774, quand il se décida à renoncer
à ses tentatives dans le sud.
« Je comptai distinctement en dedans de la plaine
« quatre-vingt-dix-sept collines outre celles qui étaient
« sur les bords, la plupart très-larges et ressemblant
« à une chaîne de montagnes s’élevant les unes sur
« les autres et se perdant dans les nuages. Le bord
« extérieur et septentrional de cette immense plaine
« était composé de glaces bottantes ou brisées, em-
« pilées et serrées les unes contre les autres, de ma-
« nière qu’aucun corps ne pouvait y pénétrer. Cette
« bordure avait environ un mille de large. Farder—
« rière, la glace solide ne formait plus qu’une seule
« masse très-compacte. Excepté les collines, elle était
« un peu basse et plate, mais sa hauteur semblait
« s’augmenter en allant vers le sud, et de ce côté on
« n’apercevait pas l’extrémité. On n ’a jamais v u , je
« pense, des montagnes comme celles-ci dans les
« mers du Groenland, du moins je ne l’ai vu nulle
« part et je ne l’ai point ouï dire ; ae sorte qu on ne
« doit pas établir une comparaison entre les glaces
« du nord et celles de ces parages. Il faut convenir
« que ces montagnes prodigieuses ajoutent un si
« grand poids aux plaines qui les renferment, qu’il est
« bien différent de naviguer sur cette mer glacée ou
« sur celle du Groenland.
« Je ne dirai pas qu’il fût partout impossible
« d’avancer plus loin au sud ; mais cette tentative
« aurait été dangereuse, et dans m a position aucun
« navigateur, je crois, n’y aurait pensé. A la vérité.