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pôle austral, voire même du deuxième pôle magnétique. Mais si
quelques-uns de nos savants attachaient à cette découverte une
grande importance pour la justification de leurs théories, le ministre
de la marine n’aurait rien de mieux à faire que de mettre
un bâtiment convenablement équipé à la disposition de ces académiciens
qui, désireux sans doute de marcher sur les traces de
leurs devanciers, La Caille, Bouguer, La Condamine, Le Gentil,
Méchain, etc., s’empresseraient d’abandonner les douceurs du
fauteuil académique pour venir affronter les mers orageuses et les
glaces polaires.
La navigation et le commerce ont fort peu à gagner par suite
de la découverte du pôle austral. Toutes les terres situées au sud
du 60° parallèle sont formées de rochers arides enveloppés de
neige et de glace. Ce n’est qu’après avoir franchi une mer bouleversée
par les tempêtes , et avoir traversé une zone semée d’îles
flottantes au milieu de brumes épaisses qui perrnetteni à peine
d’apercevoir les dangers à loo mètres de distance, qu’on peut accoster
ces rivages désolés. Ce n’est donc que pour la pêche du
phoque et de la baleine que le commerce peut avoir intérêt à diriger
ses expéditions vers le pôle austral ; mais sans espoir de parvenir
jamais à dépasser le cercle polaire qui, depuis Cook jusqu’à
nos jours, parait assiégé de glaces éternelles, malgré les rares
trouées qu’un dégel inaccoutumé a pu quelquefois y produire.
Or, nous avons déjà dit que la race des phoques et des éléphants
marins semblait avoir été exterminée. Ceux que nous avons rencontrés
dans les glaces étaient en trop petit nombre pour séduire
les spéculateurs ; ils étaient d’ailleurs de l’espèce connue sous le
nom de léopards marins à poil ras. 11 est peu probable que le
commerce veuille risquer ses navires dans la route laborieuse que
nous avons suivie au milieu des glaces, pour aller pêcher quelques
phoques a huile. Quant à la pêche de la baleine, on pourrait
l’exploiter peut-être avec avantage aux environs des îles Orkney
et dans le grand canal entre les Shetland et les terres que nous
avons explorées. Une première expédition, encouragée par le
gouvernement, suffirait pour éclairer le commerce sur ce qu’il
peut en attendre. Les grandes baleines ne manquent pas dans
ces parages ; mais elles m’ont paru bien maigres et peu riches en
huile. Elles n’appartiennent pas à l’espèce dite baleine franche.
Si malgré le peu de profit qu’on a retiré des expéditions dirigées
jusqu’à ce jour vers le pôle austral, le gouvernement en
ordonnait une nouvelle, il ne saurait mieux faire que d’y affecter
les mêmes navires, qu’on a supposés les plus propres aux voyages
d’exploration, c’est-à-dire des gabarres de 36o tonneaux. Un
bâtiment de cette espèce, renforcé comme il a été dit au commencement
de ce journal, aurait moins à redouter le choc des glaces.
Mais pour faire une entreprise sérieuse vers le pôle, il est indispensable
qu’un navire éprouve, quant au personnel et à l’armement,
quelques modifications au système adopté pour X Astrolabe,
en raison de la nature de sa campagne de circumnavigation .
Le personnel serait réduit à 70 hommes , tout compris , en
faisant porter la réduction sur l’état - major , les eleves, les
mousses et autres non-valeurs. On diminuerait paredlement les
rechanges de voiles, cordages, chaînes, ancres, etc., pour augmenter
d’autant la quantité de vivres et de charbon de terre,
dont fapprovisionnement devrait aller à plus de deux ans, en
augmentant même d’un quart la ration de chaque homme. Toutes
ces dispositions seraient prises en cas d’hivernage dans les glaces,
pour garantir le navire et l’équipage des froids les plus rigoureux.
Tuyaux de vapeur , calorifères , garnitures de feutre sur
les ponts et contre la muraille du navire , matériaux nécessaires
pour construire un toit au-dessus du pont.
Toutes ces dispositions étant bien combinées et arrêtées , il ne
resterait plus qu’à embarquer et établir à bord le savant, l’acca-
démicien qui voudrait bien aller étudier les mers australes, la
formation de glaces et leur debâcle , le magnétisme et tous les
autres grands phénomènes de la nature.
{M. Roquemaurel.)
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