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1838.
Février.
s’abattait sur un bord d’une manière effrayante,
comme accablé sous l’impulsion de sa voilure, car le
vent avait bientôt soufflé grand frais et la mâture menaça
plusieurs fois de descendre en grand sur le pont,
il fallait alors avoir recours aux grelins en carguaiit
lestement toutes les voiles. Mais les moments les plus
critiques étaient ceux où îa corvette, lancée de toute
sa vitesse , était entraînée d’une façon presque inévitable
en apparence, tout droit sur un bloc où son
avant n’aurait pu manquer de s’y démolir. Alors l’effet
du gouvernail, souvent pressé par les glaces, était
tout-cà-fait insuffisant, il fallait avoir recours aux
voiles de l’avant et de l’arrière, et les manoeuvrer avec
activité suivant les circonstances.
La vue de ces bâtiments naviguant sur les glaces
comme sur une plaine solide, ces matelots courant
sur la neige pour élonger ou rapporter nos amarres,
jusqu’cà leurs exclamations touchant le métier bizarre
qu’ils faisaient, tout cela me rappelait involonlaire-
ment les songes qui m’avaient souvent assailli avant
que j’eusse présenté mon projet. En certains moments,
serait-il donné à rhomme, comme l’ont cru quelques
philosophes, de pouvoir soulever un coin du voile qui
lui cache l’avenir, ou tous ces prétendus présages ne
sont-ils dus qu’aux combinaisons du hasard? Libre à
chacun d’en penser ce qui lui plaira. Toutefois il est
constant que je fus alors singulièrement frappé de ce
rapprochement, et je n ’y songe encore aujourd’hui
qu’avec surprise.
Quoi qu’il en soit, ces manoeuvres désespérées nous
réussirent, à trois heures quarante-cinq minutes nous
eûmes franchi toute la bande des glaces solides, et
nous vîmes se développer, à moins de 300 toises
devant nous, une mer tout-à-fait libre. Qu’on juge de
notre émotion à cet aspect !... Les glaces n ’étaient pas
adhérentes, et Y Astrolabe allait se mouvoir parfaitement;
mais d’un autre côté, le vent soufflait déjà grand
frais, la corvette devenait très-difficile à gouverner, et
le moindre choc contre de gros glaçons pouvait nous
devenir fatal.
En outre, au moment même où nous venions de
rentrer nos dernières amarres, il faillit nous arriver
un accident bien triste.
Je venais de donner l’ordre de tout le monde à bord.
Tous étaient rentrés lestement, mais le maître calfat,
Aude, homme actif et zélé, occupé avec les autres aux
travaux à opérer hors de la corvette, était resté de l’arrière
, fort souvent arrêté par les lacunes désormais
laissées par les glaces. Il courait, il sautait de son
mieux, mais souvent des fossés trop larges l’obligeaient
à faire de grands détours , et pendant ce
temps, malgré mes efforts, la corvette fdait de l’avant.
Un moment je craignis d’être forcé de laisser
ce malheureux dans les glaces, car la corvette une
fois dehors, il ne fallait pins songer à y rentrer, ni
même à y expédier un canot pour le sauver. Enfin, à
ma grande joie, il put atteindre le bord, où on le hissa
plus mort que vif. Une pleurésie très-grave s’en suivit;
Aude fut longtemps dans un état désespéré; enfin.
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