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1838.
Février.
110 VOYAGE
et quelques phoques, sont les seuls êtres animes qui
viennent frapper nos regards et apporter quelques
ressources <à nos cuisines. L’équipage se régale de
chair de phoque, quoiqu’elle soit noire, huileuse et
coriace. Pour moi, je ne mange avec plaisir que le
foie de cet animal, qui ressemble pour le goût à celui
du porc.
Dans la soirée, le vent du N. 0 . cède enfin et fait
place à une petite brise du N. N. E. mais cela ne
change point le temps, et la neige continue de tomber
toute la nuit par épais flocons. La houle du N. 0. persiste
et nous occasionne de rudes secousses et des
pressions si violentes que toute la charpente du navire
en est ébranlée. Il faut qu’elle soit des plus solides
pour résister à d’aussi rudes assauts *.
Le plus souvent la brume ou la neige nous dérobe
la vue de la Zélée, avec laquelle nous n ’avons plus eu
de rapports depuis trois jours entiers, attendu qu’elle
est trop loin et qu’il fait trop mauvais pour qu’on
puisse s’aventurer sur les glaçons. D’après ce qui se
Pl. xxiii. passe chez nous, je crains parfois pour son salut, sachant
que sa membrure a été moins complètement
remplie que la nôtre.
Toute la nuit le temps n ’avait pas changé. Mais au
jour le vent passa au S. E. et nous donna quelque
espoir. Toutefois il était encore insuffisant pour nous
faire refouler la glace, et je ne me souciais pas de
mettre à la voile avant la Zélée, qui était déjà beaii-
' Notes 79, 8o, 8i et 82.
0 .
coup de l’arrière. Aussi, je la vis avec plaisir faire
ses préparatifs dès sept heures du matin et appareiller
ses voiles. Durant plus de deux heures ses
progrès furent insensibles et je la crus immobile.
Enfin, comme le vent avait beaucoup fraîchi, à dix
heures, je vis qu’elle avait déjà gagné près d’un mille
et se trouvait près de notre travers; alors je donnai
l’ordre de l’appareillage.
Aussitôt les amarres furent rentrées et les voiles
larguées; après un quart d’heure d’hésitation, la
corvette s’élança brusquement et parcourut du premier
bond une ou deux encâblures en brisant violemment
toutes les glaces sur son passage, puis s’arrêta
soudain devant un bloc plus volumineux. Alors il n. xxiv
fallut avoir recours aux grelins et au cabestan pour
doubler l’obstacle. C’est ainsi que sa course entière
s’accomplit au travers de l’espace de trois milles environ
que nous eûmes à parcourir pour rallier les
bords de la banquise. C’était un spectacle vraiment
curieux que celui de cette marche inégale et saccadée
de V Astrolabe. Le plus souvent arrêtée tout à coup, à
la suite d’un de ses élans, par des glaces trop compactes,
on la voyait tanguer et embarder durant quelques
secondes, puis ayant trouvé un v id e, s’élancer
de nouveau par cette nouvelle ouverture. En ces
moments, on eût dit un animal intelligent qui, forcé
de s’échapper au travers d’iine haie épaisse, ayant
d’abord cherché à droite et à gauche, puis ayant
trouvé l’endroit propice, aurait continué sa course.
D’autres fois, n ’ayant pu trouver d’issue, le navire