vaste plateau horizontal. Jnscpi’au cap Diego, nous
nous maintinnies à cette même distance de la côte ;
dans cette partie, elle est saine, agréablement accidentée,
et alternativement couverte de belles forêts,
puis de clairières d’un vert qui rejouit la vue
par sa teinte moins foncée. Armés de lunettes, les
yeux reconnaissent facilement les troncs élancés et
blafards du hêtre antarctique. Le rivage paraît aussi
se contourner quelquefois en petites baies riantes et
abritées où l’homme pourrait trouver un agréable
séjour; cependant nous n ’entrevîmes aucun vestige
de population.
A l’intérieur, surgissent çà et là des pics sourcilleux,
dont plusieurs sont couronnés de neiges éternelles.
La montagne désignée sous le nom de la Cloche, se
distingue par son isolement, par sa coupe arrondie,
surtout par son élévation qui en fait le point culminant
de toute la partie S. E. de la Terre de Feu.
Le ciel, qui était d’une admirable pureté, s’est
chargé par degrés, et à dix heures et demie il est survenu
des grains fréquents dans lesquels le vent a varié
à toutes les aires du compas.
A midi, nous n’étions plus qu’à quatre milles au
nord du cap Saint-Yincent ; le fameux détroit de Le
Maire s’ouvrait devant nous et nous présentait ses
eaux en apparence calmes et tranquilles; avec la
jolie brise du matin, il n’eût fallu que deux ou trois
heures pour le franchir.
Malheureusement les grains ont continué de donner,
faibles et variables dans tous les sens. Aussi
sommes-nous restés à la merci d’un clapotis violent
qui ne paraissait avoir aucune direction déterminée,
mais qui nous secouait si rudement que nos navires
ne pouvaient acquérir une vitesse sensible, même
dans les moments où la brise eût pu nous faire fder
trois noeuds avec une mer passable.
J’avais lu dans les instructions du capitaine King
que le jusant portait au sud le long de la Terre de
Feu ; ce jour même, qui était celui de la pleine lune,
il devait commencer à quatre heures. Je fis donc en
sorte de me maintenir à deux milles environ du cap
Diego pour être à même de profiter de la marée favorable.
Entre la pointe Saint-Yincent et le cap Diego règne
la baie Thétis, vaste enfoncement qui paraît se prolonger
fort avant dans les terres et se terminer par
un bras de mer étroit on une rivière assez large. Sans
l’impatience que j’avais alors de rallier les régions
antarctiques, j’aurais éprouvé une vive satisfaction
de mouiller sur ce point pour explorer les alentours
de cette baie. Tout ce pays est d un façile accès , pas
très-montiieiix, et tapissé d’une charmante verdure.
Que de récoltes intéressantes à faire!... que d’observations
en tout genre à amasser !...
Quatre heures arrivent, mais pas la moindre apparence
de courant au sud, bien que le remoux
l)ruyant et irrégulier nous empêche d’aller de l’avant.
Pour comble de désagrément, il s’élève une brise de
S. E. qui nous drosse à vue d’oeil tout droit sur la
côte. L’horizoîi est chargé.
1838.
Janvier.