I
aucabesUu. Après beaucoup d’efforts, nous parvenions à acquérir
une impulsion de quelques toises, et nous nous ti’ouvions
bientôt arrêtés tout court, en faisant tête sur une nouvelle masse.
A neuf heures, nous avions à peine parcouru une encâblure, et,
à cette époque , le ciel s’étant un peu éclairci, nous laissa apercevoir
la mer libre à environ deux milles, dans la direction que
nous avions d’abord conjecturée. Il y avait vraiment de quoi se
décourager et craindre de ne pouvoir svu’monter ces obstacles, à
moins qu’un bouleversement ne vînt rompre et bx’iser la bari'ière
compacte qui nous entourait. Heureusement, le vent vint à notre
secours ; il souffla bientôt grand frais, et, au risque de compromettre
la mâture , nous forçâmes de voiles , seul moyen de nous
dégager.
Nous naviguâmes ainsi jusqu’à quatre heui’es du soir pour
franchir ce champ de glaces. Poussée par la tempête, la Zélée
finissant par rompre un bloc épais qui s’opposait à sa route , parcourait
alors une vingtaine de toises , et se trouvait de nouveau
arrêtée par une autre masse contre laquelle elle était forcée de
commencer une nouvelle lutte. C’est au milieu de ces difficultés
sans cesse renaissantes, au milieu de craintes continuelles de fiiirc
des avaries, surtout dans le gouvernail, que nous parvînmes à
atteindre les bords de la banquise.
Le sentiment que chacun dut éprouver en revoyant la Zélée
sur une mer libre , dut être un sentiment de joie. Quant à moi,
je fus soulagé d’une bien cruelle inquiétude, et je ressentis un
plaisir bien réel en nous sentant délivrés d’une position qui, un
instant, avait paru offrir la perspective d’être démolis par le choc
des glaces, ou celle peu attrayante d’être emprisonnés et d’hivei’-
ner au milieu de souffrances et de privations de toute espèce.
Dix minutes s’étaient à peine écoulées depuis que nous étions
dehors, lorsque ï Astrolabe atteignit la limite et se trouva également
dégagée. Le vent soufflait alors grand frais, par rafales violentes
, e t, quoique nous eussions pris la précaution de mettre
presque à sec de voiles, pour diminuer le sillage , être plus libres
de gouverner au milieu des débris qui se trouvaient encore
disséminés , nous filions néanmoins encore six noeuds , le cap au
nord.
( M. Jacquinot. )
Noie 8 j, page 114.
Dès deux heures du matin , le temps, sensiblement plus froid
que la veille, nous donna quelque espoir d’un changement. A
sept heui'es, nous vîmes avec joie s’élever un petit vent du sud
dont nous profitâmes aussitôt pour appareiller. Les voiles furent
tendues au vent, mais comme ce n’était qu’un souffle naissant, son
influence était nulle pour faire bouger la corvette qui était serrée
au milieu de grandes glaces et éprouvait une pression considérable
; mais c’était beaucoup de ne pas l’avoir contre soi. Nous nous
mîmes donc aussitôt à l’ouvrage, les hommes , fatigués de 1 inaction
des deux journées précédentes , déployèrent un feu extraordinaire
à élonger des amarres dans le N. N. Ü. pour haler la
corvette. Nous réussîmes à la mouvoir et à la faire avancer avec
beaucoup de difficultés , tant les glaces étaient grandes, serrées et
avaient d’épaisseur ; après quatre heures de travail, nous réussîmes
ainsi à faire un demiAnille. A onze heures, le vent vint
heureusement à notre secours , et nous pûmes rallier VAstrolabe
qui était le matin à plus d’un mille de nous. On aperçut alors
dans une éclaircie la pleine mer du N. N. E. à l’O. N. O.; cette
vue était faite pour redoubler notre courage. Petit à petit, les
glaces cédaient plus facilement devant nous, et la corvette, couverte
de voiles, commençait à se faire jour à travers dune manière
sensible, en gouvernant de l’O. S. 0 . à l’O. N.O., suivant les
obstacles qu'elle rencontrait, car il était impossible de la maîtriser
avec le gouvernail. A une heure de l’après-midi, la brise devint
très-fraîebedu sud, mais nous gardâmes cependant bcau