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Jusqu’à midi, on a loux'oyé pour atteindre le mouillage, qu’on
ne distinguait du reste pas ; mais la brise refusant toujours , on
fut obligé de reprendre le large. Jamais je n’ai rien vu d’horrible
comme ces hautes terres découpées en pics aigus plus élevés que
notre mâture. Pas un coin de mousse où foeil puisse se reposer,
rien que de la neige et de la glace, et, de loin en loin, des rochers
contre lesquels la mer vient déferler à 7 mètres de hauteur. Tout
cela a bien son beau côté pour une imagination tant soit peu poétique
; mais, pour mon compte, je préfère la vue du plus mauvais
olivier de Provence à toutes ces sublimes horreurs. D’ailleurs ,
nous commençons à nous y faire ; il y a quinze jours que nous
n’avons pas autre chose sous les yeux. L’ingénieur a travaillé
toute la journée à relever les terres. Quand ce travail sera fini,
nous irons essayer à lo degrés plus à l’est, s’il y a moyen de pénétrer.
Je l’espère grandement; la banquise que nous avons prolongée
ces jours-ci m’a paru en commencement de débâcle. Peut-être
sommes-nous arrivés trop tôt. Les terres sont presque partout
couvertes de neige et entourées d’une ceinture de glaces qui peut
expliquer, jusqu’à un certain point, les masses flottantes au milieu
desquelles nous naviguons. Il est probable que , par l’elfet des
marées ou de coups de vent très-violents , elles se séparent peu
à peu de la terre, et sont entraînées au large par le courant. En
effet, j’en ai remarqué plusieurs tout près des terres qui paraissaient
encore porter l’empreinte des roches sur lesquelles elles
étaient appuyées.
(M. Demas.)
li.iE
Note 4 7 , P^ge 70.
A trois heures, nous passions près d’un gros glaçon percé à sa
base de plusieurs arcades. Nous vîmes un quartier de cet immense
Il'il»
bloc se détacher et s’abîmer dans les Ilots. Le glaçon éprouva
alors un violent mouvement d’oscillation qu’il conserva très-longtemps.
Quand il eut repris son équilibre, les assises, qui d’abord
étaient horizontales, restèrent inclinées. Nous remarquâmes
aussi, dans cette même journée , un très-gros glaçon de couleur
bleu-verdâtre un peu foncée ; c’est le seul que nous ayons vu entièrement
de cette couleur.
Dans les autres glaces, on rencontre souvent des veines bleues,
mais elles sont toujours séparées par des couches formées sans
doute par la neige, et encore le bleu de ces glaces est un bleu
d’azur.
Je pensai que cette glace avait été renversée le dessus dessous ,
et que la partie que nous voyions aussi bleue était celle qui jadis
se trouvait sous l’eau.
Dans les gros blocs horizontaux, les couches bleues et blanches
sont parallèles à l’horizon.
(Af. Gourdin.)
Note 48 , page 70.
Temps couvert, mer très-houleuse. Malgré un vent frais de
l’est, le commandant paraît vouloir prendre le mouillage des îles
Powell. Le temps s’améliore à mesure que nous approchons d une
terre affreuse , si toutefois on peut appeller terre des rangées de
sommités aiguës présentant le triste tableau de glaciers éternels,
percés çà et là par quelques rochers dont la pente trop rapide a
empêché la neige d’y séjourner. Aucun indice de végétation ne
paraît sur ces îles formées seulement de rochers et de glaces. Partout
on ne voit qu’amoneèlements de neige et de glace, s’étendant
d’un pic à l’autre , formant des glaciers de plus de 60 mètres de
profondeur.
Partout la neige s’unit à la glace pour fatiguei 1 oeil pai une
éblouissante blancheur. Les plus grosses îles de glace que nous