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183S.
Février.
98 VOYAGE
espace plus dégagé, avait dérivé de près de deux rniiles
sous le vent.
Avant de prendre une décision, je me mis à construire,
avec tout le soin possible, le plan des routes
biites par nos navires, dans les deux journées précédentes.
De ce travail il résulta que nous avions dû parcourir
en tout sens un bassin de quatre ou cinq milles
de diamètre, entièrement entouré de glaces, et qu’à ce
moment même nous ne devions pas être bien loin du
lieu par où nous avions tenté de sortir la veille à midi.
J’en conclus que désormais tous nos efforts devaient
se borner à nous avancer vers le nord. Par l à , seulement,
devait se trouver la pleine mer ; par l à , seulement
, nous pouvions réussir à nous échapper, si cela
était encore possible. Toute autre direction ne pouvait
que nous enfoncer de plus en plus dans le funeste
labyrinthe où nous étions bloqués. Je ne songeai donc
plus qu’à m’avancer vers le nord le plus que je le
pourrais.
D’ailleurs, dans de courtes éclaircies, nous croyions
découvrir la mer lib re , à trois ou quatre milles de
distance-dans le N. 0 . J’aurais donc désiré pouvoir
sur-le-champ me diriger de ce côté, mais il fallait à
tout prix rallier d’abord notre conserve , que je ne
voulais abandonner qu’à la dernière extrémité. Immobile,
elle semblait attendre nos ordres ou nos manoeuvres
, avant de faire elle-même le moindre mouvement
; en effet, il lui était à peu près impossible de
songer à se rapprocher de nous au travers de bandes
de glaces aussi serrées el avec un vent contraire.
Ainsi, prenant mon p a r ti, à sept heures je fis,,
lever l’ancre et je mis sous voiles. La brise soufflait
assez fraîche de l’O. S 0 . au S. 0 . Je me contentai
de l’artimon et du petit foc pour cheminer dans
l’E. S. E. vers la Zélée, à travers des glaces bien rapprochées.
Cette manoeuvre nous réussit parfaitement,
et à huit heures nous n ’étions plus qu’à une encablure
de notre conserve, qui venait elle-même de se décider
à appareiller.
Là, je mis en panne et m’embarquai dans le boat
pour me rendre à bord de M. Jacquinot, afin de conférer
avec lui et lui donner mes dernières instructions.
Dans ce court tra je t, j ’eus beaucoup de peine ,
avec les deux matelots qui armaient mon embarcation,
à me frayer un chemin au travers des petits glaçons
qui, du bord, ne nous semblaient rien du tout. C’était
pour notre frêle esquif autant de banquises impénétrables
, et souvent il nous fallait faire un grand
détour.
Enfin, j ’arrivai sur la Zélée. Après avoir salué le
capitaine et les officiers, je descendis avec le premier
dans sa chambre et vis avec plaisir que l’esquisse qu’il
avait tracée de nos courses dans la glace s’accordait
avec la mienne, et qu’il était entièrement de mon
avis, quant à la direction à suivre désormais. Je lui
répétai bien que je ferais tout ce que je pourrais pour
ne pas nous perdre de vue, mais que si, malgré nos
communs efforts, nous venions à nous séparer, notre
premier rendez^vous serait sur la baie Soledad aux
Malouines. Puis de là il se rendrait à Valparaiso ou en
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