1838.
Février.
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80 VOYAGE
çoit le plus heureux espoir. 'Nom sommes sur la bonne
voie; nous avons trouvé la route de Weddell, et nous
voilà en roide pour le pôle, rëpèleut à l’envi officiers
et matelots. C’est une allégresse générale. Seul
je ne partage point ces brillantes espérances, je doute
encore, car j ’ai peine à croire qu’une immense barrière
comme celle que nous avons si longtemps suivie
puisse lions livrer si facilement le passage. Toutefois,
impatient d’éclaircir la question, tonte la nuit je fais
route à raison de six noeuds sans qu’on signale une
seule glace. Sans doute cela n ’eut pas eu lieu si le
temps avait été moins sombre; mais il n’en est pas
moins vrai que les glaces devaient être devenues trè s-
rares sur l’espace que nous traversions.
Soit reste de mon indisposition passée, soit effet
d’une agitation d’esprit touchant l’issue de cette nouvelle
tentative, toute la nuit j’ai souffert d’une insomnie
fatigante, surtout après avoir passé une bonne
partie de la journée sur le pont.
Point de glaces encore au lever du soleil, mais à six
heures, neuf se remontrent à nous. C’est peu de chose,
et l’espoir de l’équipage n ’en est pas ébranlé. J’apprends
que MM. les matelots ôeY Astrolabe, nagiièrcs
plus que rassasiés des efforts que j ’avais déjà tentés,
viennent de se prendre d’un beau zèle pour le pôle et
que leur unique crainte est que je n’y renonce que
trop tôt. Ils peuvent être tranquilles. Quand j ’y renoncerai,
aucun d’eux, je pense, n’aura pas plus d’envie
que moi de pousser plus avant.
Du reste, aidés par une belle brise de N. E. sur une
mer assez paisible, nous filons six noeuds au S. E. ~ S.
et à sept heures et demie je mets le cap au S. E. pour
donner encore un plus grand tour aux banquises qui
nous ont tant tracassés par les 62” et 63” degrés de latitude.
En effet, si nous parvenions une fois à franchir
cette zone critique, peut-être pourrions-nous retrouver
la mer libre, dans le cas où les glaces ne formeraient
qu’une barrière compacte d’une largeur modérée,
s’étendant des terres de Trinity aux îles Orkney
et même aux terres de Sandwich, mais susceptible
de se disloquer entièrement à une certaine époque de
l’année; puis nous pourrions cheminer sans peine vers
le pôle, comme Weddell prétend l’avoir fait.
Ainsi, dans la vive anxiété qui m’agitait, nonobstant
la faiblesse que m’avait laissée la secousse des jours
précédents, debout sur la dunette, je veillais attentivement
à la route et j ’interrogeais jusqu’aux moindres
accidents du ciel, de la mer, des glaces et surtout
les teintes de l’horizon dans le sud, pour en déduire
des conséquences. Jusqu’à neuf heures et demie, je
n’avais rien entrevu de fâcheux, les grosses glaces
étaient même peu nombreuses, quand plusieurs petits
pitons alignés comme les bornes d’une grande rouie,
vinrent réveiller toutes mes craintes. En eiTet, le fatal
cri banquise parti des barres de perroquet vient retentir
sur le pont et resserrer tous les coeurs. Comme
nous allons grand train, nous approchons rapidement,
les petits pitons d’abord isolés et à peine visibles, s’élèvent,
grandissent, se rapprochent, et finissent par
former une barrière, d’abord imparfaite et fracturée,
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