Pour lors, ITioiizon bien éclairci nous peiinet
de suivre des yeux tous les accidents de la terre
Loiiis-Philippe. En ce moment elle s’étend depuis le
mont Bransfield dans le N. 72° E. jusqu’au S. S. 0.
où l’oeil la suit jusqu’aux bornes de l’horizon. Depuis
*'*'(bis7”^ le mont Bransfield jusqu’au sud, c’est une haute terre,
assez uniforme et formant un immense glacier sans
accidents notables. Mais au sud la terre se relève sous
la forme d’un beau piton (le mont Jacquinot) qui
paraît égaler et même surpasser Bransfield ; mais à
partir de là, elle s’étend sous la forme d’une chaîne
de montagnes se terminant dans le S. 0. par un
sommet encore plus élevé qne tous les autres. Au
reste, les effets de la neige et de la glace, ainsi que
l’absence de tout objet de comparaison, contribuent
à exagérer singulièrement la hauteur de toutes ces
})roiiibérances. En effet, nous trouvâmes par les me.
sures qui furent prises par M. Dumoulin, que toutes
ces montagnes qui nous paraissaient alors gigantesques
et au moins comparables aux Alpes et aux Pyrénées,
n ’avaient que des hauteurs très-médiocres.
Ainsi, le mont Bransfield n ’avait que 632 mètres,
le mont Jacquinot 648 mètres, et enfin ce dernier,
le mont D’UrvilIe, le plus élexfo de tous, 931 mètres.
A l’exception des îlots en avant de la grande terre,
et de quelques pointes dégagées de neige, tout le
reste n ’est qu’une suite de glaces compactes; dans cet
état, il n’est pas possible de tracer la vraie direction
de la te rre , mais seulement de ses croûtes de
glaces. Au S. 0. on voit une terre séparée qui paraît
ê tre une île *.
A six heures, nous avons viré pour reprendre la
bordée du large ; un petit îlot noirâtre que nous avons
nommé Montravel, se trouve alors à peine à un mille
au vent à nous. La sonde jetée au moment du virement
de bord, donne 55 brasses fond de roches.
Toute la nuit nous restons au plus près bâbord, filant
à peine un noeud et demi ; une brume très-épaisse
nous fait souvent perdre la Zélée, et nous ne nous
maintenons qu’à l’aide des coups de canon avec im
vent assez faible et variable. îl faut beaucoup de vigilance
pour ne pas nous perdre, car nous devons
toujours nous maintenir à une distance raisonnable
l’une de l’autre pour éviter l’abordage, et la moindre
distraction de l’homme qui est à la barre pourrait
éloigner promptement les deux navires, si l’officier
ne veillait pas lui-même avec assiduité; la différence
seule des indications fournies par les compas de route
des deux corvettes, souvent considérables en ces
parages où l’aiguille a peu d’activité en déclinaison,
suffirait encore pour amener une séparation.
Je vois avec plaisir que nos matelots un peu abattus
par nos misères passées et par la triste navigation
que nous avons eue à essuyer, se sont sensiblement
ranimés à la vue des terres que nous venons de découvrir
et sous l’influence d’une température un peu
moins rigoureuse. Si le veut pouvait nous favoriser,