avec quinze hommes ; la corvette nous envoya une grande chaîne,
mais son poids la faisait enfoncer dans la neige qui composait la
partie supérieure du glaçon. Nous ne pûmes pai’venir à la haler ;
il fallut nous envoyer un grelin, avec lequel je fis cintrer le bloc,
et bientôt nous nous trouvâmes amarrés au milieu des glaces du
pôle austral, sinon aussi solidement, du moins tout aussi joyeux
qu’en vue de Toulon C’est un singulier spectacle que cette
immense plaine, dont la blancheur mate fatigue l’oeil. Cela a
quelque chose de lugubre.
M. Demas.)
Note 5g, page 87.
A midi, il eût été impossible de déterminer le nombre de bancs
de glaces qui nous entouraient. La banquise semblait alors s’étendre
du N. O. à l’E. S. E. ; mais elle paraissait rompue et en complète
désorganisation. Le commandant apercevant devant nous au
S. S. E. une chance de passage, etespérant d’après fétat de la banquise,
y trouver une issue pour piquer au sud directement, nous y
donnons à pleines voiles, gouvernant de manière à éviteiTes plus
gros glaçons et achevant de démolir ceux que nous ne pouvons
parer. Dans un de ces assauts nous avons perdu la scie de notre
étrave, faible invention des ingénieurs maritimes deToulon,pour
défendre cette partie de la carène. A deux heures , la corvette la
Zélée restant de l’arrière, nous avons masqué le perroquet de
fougue pour attendre ce bâtiment. Nous traversons ainsi avec audace
une partie de la banquise, le commandant faisait gouverner
et tout le monde donnait la main à la manoeuvre ; mais à deux
heures trois quarts, la neige tombant avec une nouvelle violence,
et le temps ne permettant pas de voir devant nous, on cargue les
basses voiles et on masque le grand hunier. A trois heures, nous
virons de bord l®f pour lof, après avoir doublé une grosse montagne
de glace qui se trouvait devant et nous donnons dans une
mer fermée de tout côtés par la banquise. 11 était impossible de
revenir sur nos pas; le vent qui était nord et N. E. s’y opposait
tout-à-fait, d’ailleurs toute chance de passage n’était pas perdue,
le ciel en s’éclaircissant un peu, pouvait nous faire voir une mer
libre, après laquelle nous soupirions, pour nous rapprocher du
pôle sud. La baie où nous nous trouvions, sans être très-grande,
avait cependant assez d’étendue pour y garder la panne. Nous
la prîmes donc, le vent sur les voiles de l’arrière. La corvette la
Zélée imita noti’e manoeuvre et vint se placer sous le vent à nous
à petite distance. ‘
Dans cette situation qui pouvait devenir embarrassante, on
s’occupa cependant de l’histoire naturelle. Beaucoup d’oiseaux
du genre pétrel, voltigeaient autour de nous, et notamment quelques
bandes de pétrels blancs. Ces derniers oiseaux excitaient la
curiosité générale, à cause de la blancheur de leur plumage et de
leurs formes élégantes ; on en tua plusieurs pour la collection du
bord , et le youyou fut mis à la mer pour aller les chercher.
A quatre heures, le temps devenant plus clair, on louvoya
jusqu’à sept heures au milieu des glaçons et dans une espèce de
baie formée par la banquise. Mais n’espérant plus trouver un
passage, le commandant donna l’ordre d’accoster une forte glace
afin d’y amarrer la corvette pour la nuit. On s’occupa donc de lui
faire prendre la position la plus favorable pour cette manoe.uvre.
Un fort grelin fut passé en ceinture autour du morne qui devait
nous servir de corps-mort et avec lequel nous devions dériver peu
à peu. Dcspaillets furent coulés derrière pour garantir le gouvernail,
et des espars furent placés de distance en distance pour préserver
le navire des chocs des glaces sur lesquelles nous pouvions
tomber.
(4f. Marescot.)
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