l’équipage donna ici une nouvelle preuve. Enfin tant d’effoi ls ne
■ restèrent pas sans résultat. La corvette, délivrée de l’énorme glaçon
qui lui résistait, obéit peu à peu à l’impression du vent, et
commença à s’ébranler en chassant devant elle un monceau de
débris. Nos sapeurs, armés de pioches et de pics, écartaient ces
fragments pour nous faire un passage , ou les refoulaient sous
l’étrave qui achevait de les broyer.Le navire acquérant par degrés
une vitesse sensible, fut dès-lors capable de cheminer dans cette
mer solide. Mais la route était hérissée de ces vieilles glaces bleues
qui avaient déjà vu plusieurs hivers , et dont la masse semblait
devoir nous arrêter. Souvent on manoeuvrait pour les éviter,
mais le navire allait si lentement, que le gouvernail n’était d’aucun
effet. Quelquefois même la carène était tout entière encastrée
dans une ornière de glaces ; l’orientement des voiles ne suffisait
plus pour diriger le navire. Il fallait alors s’arrêter , élonger des
aussières devant et derrière et en sens contraire pour faire évoluer
la coi’vette et diriger le cap vers la partie de la plaine qui semblait
plus dégagée et surtout moins épaisse. Parvenu dans un
canal assez libre, le navire prenait bientôt une gi’ande vitesse, et
se ruait sur les glaçons. Enfin, à quatre heures du soir, nous touchions
à la limite de la banquise, après avoir mis six heures à
parcourir moins de deux milles , par une forte brise qui faisait
ployer notre solide mâture.
On franchit encore rapidement quelques piles de glaçons dont
quelques-uns furent refoulés sans miséricorde. A quati'e heures
quinze minutes , nous pouvions jouir à l’aise du résultat de nos
efforts. Nous flottions sur une mer liquide. Un coup de vent du
S. S. E. bien établi allait nous éloigner de ce triste désert ofi
nous aurions pu hiverner. La Zé/ec ayant aussi recouvré sa liberté,
nos deux navires cinglèrent vers le N. N. E., avec un balancement
qui nous semblait bien doux, après les épreuves des
joui’s précédents.
Maigre les dommages éprouvés par la carène, les-ileux cor-
VCU« POUV A ,.t cncove loustcoeps tenir U mer , Ba„s toucher au
port; on ,e disposa clone à nue troisième tentative pour trouver
un passage plus a l’est.
(M. R o q u e m a u r e l . ' )
Note 87 , page li4 -
A 8 heures, la Zélée met sous voiles ; elle s’efforce de se frayer
uu passage jus<iu’à nous. Nous sutvious ses mouvements avec
anxiété; elle parut d'abord ne pas progresser. Cependant elle
3c vapproehait beaucoup. Sur ces entrefaites, la brise avait fraielu
du S E. Nous rentrons nos amarres et appareillons sous les
huniers hauts, les basses voiles et le grand foc ; nous restons
assez longtemps sans bouger de place ; une large g ace plate nous
barre le passage; la brise fraîchissant toujours, devry presguc
coup de vent. Enfin le plateau ne put plus soutertir a pressmn.
Le navire se fit jour et partit avec la rapidité dé 1 éclatr ; mats sa
course fut bientôt arrêtée par une autre glace qui, nous ba„.
le chemin, nous débordait par bâbord. Nous la contournâmes
avec des faux-bras que nous vkimes au cabestan. La corvette
nllait Sa forte mâture était arquée comme un roseau ; a chaque
L ia n t nous craignions dé la voir tomber ; il fallait pourtan. conserver
de la toile au vent. Nos faux-bras joml» a la pression
la mâturcnous firent encoreparer celle là. La mâture ttnlbon et
bien nous en prit. C’était, en vérité , nn beau et noble spectacle
que celui de ces deux pauvres navires s'ouvrant violemment un
Lsage à travers cette immensité de glaces. S-ven. arreteoe ^ L plateaux de , e à . 5 mètres de large , la corvette a .a .t b be
avec son étrave, forçait sur l'obstacle avec une impulsion de huit
noeuds, brisait, écartait l’obstacle et s’élancait avec une vitesse
incroyable. Nous avions â peine le temps de haler nos faux- >. as,
et une fois, nous faillîmes abandonner un malheureux qui était
allé les démarrer. Par uu bonheur inoui, le navire ironva sur