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manqué de nous acculer contre les glaces, s’il eût acquis plus de
force. Là encore, le 7 février 1823 , Weddell cinglait à pleines
voiles dans une mer parfaitement libre.
Aujourd’hui, 16 février, nous revenons décidément à l’ouest
et nous abandonnons la poursuite de la banquise du côté de l’est :
nous suivrions cette direction sans but, maintenant que nous
avons reconnu l’état des glaces sur les différents points où se serait
exécutée la plus heureuse et la plus remarquable navigation.
Quant à nous, nous mettons au nombre des chimères l’espérance
de parvenir cette année , au 73° ou y 5^ degré de latitude sud, en
suivant les traces du capitaine dont la relation inspira à notre
illustre souverain l’idée d’une exploration polaire. Peut-être
serons-nous moins contrariés du côté de l’ouest, où sans doute
le commandant nous ramène dans fintention de faire d’autres
reconnaissances.
J’ai dit que je croyais peu aux grandes perturbations de la
banquise australe et à l’inconstance de ses changements. Le beau
travail que vient de faire M. Viiïcendon-üumoulin servira de
base un jour ou à la critique de cette opinion, ou à sa confirmation
: il a relevé avec le plus grand soin les sinuosités de cette
immense surface de glace ; de sorte que les explorateurs qui nous
suivront dans la carrière pourront comparer ce qu’ils observeront
avec ce que nous avons observé, et, par suite, on se fera une
idée juste de l’étendue des variations dont serait susceptible cet
immense agrégat de glaces. 11 est inutile de dire qu’il ne s’agit
point ici des changements qui s’opèrent sans cesse dans la configuration
de son profil, lequel est aussi mobile que les flots et les
vents sont inconstants ; mais qu’il importe de savoir si la bau-
quise, qui vient d’être le sujet de nos observations depuis le 48®
jusqu’au 33° degré de longititude ouest du méridien de Paiâs,
peut, sous l’influence de certains phénomènes aiinuels , être dispersée
de manière à ouvrir un passage jusqu’aux plus bautes latitudes
antarctiques, jusqu’au 71° degré, par exemple, terme qu’est
parvenu à atteindre le célèbre capitaine Cook sur un point de la
circonférence du pôle où n’existe, remarquons-le bien , aucune
ten-e avancée vers le nord. Il serait curieux de savoir de combien
de lieues ou de degrés la limite nord de cette banquise peut reculer
dans le sud en été, ou s’avancer dans le nord en hiver. Il serait
aussi intéressant de confirmer cette assertion : quelle que soit la
latitude où se fixe la limite septentrionale de la banquise en été,
elle se rattache toujours par de longues pointes aux îles Orkney
et Sandwich. Sur aucun point de la circonférence du pôle antarctique
les glaces ne s’avancent autant vers le nord que dans la
partie de l’Océan que nous explorons en ce moment; mais sur
aucun point on ne rencontre de terre sur des parallèles aussi élevés.
Or, n’oublions pas qu’elle est le principal foyer de la formation
des glaces, qu’ainsi, il est naturel que ces dernières restent
en couimi-Diicâtion avec les archipels , lors même que la faible
chaleur de l’été les refoule encore du côté du sud.
Un pôle sans terre serait d’un facile accès : les plateaux de
glace qui résulteraient de la congélation de la mer se disperseraient
facilement, si les obstacles que les terres leur opposent ne
leur offraient des points d’appui ; si les énormes falaises de glace
qui se détachent de la côte, et les avalanches qui tombent des
montagnes n’encombraient la mer de leurs débris.
Il résulte de tout ce qui vient d’être dit ; 1° qu’aussitôt que
l’on rencontrera des îles, les difficultés de la navigation augmenteront,
parce qu’aussi les glaces se multiplieront ; 2° que plus ces
teiTes s’avanceront vers le nord, plus la ceinture de glace s étendra
dans le même sens ; 3° enfin, que l’on ne doit tenter d’approcher
du pôle antarctique que sur les points de la circonférence
qui sont libres de toute terre jusqu’à de très-hautes latitudes.
Ainsi, le point où Cook atteignit le 71“, le 3o janvier 1774, sans
avoir rencontré la moindre apparence de terre, serait parfiiite-
mcnt convenable, si le but de la mission était uniquement d’approcher
le plus possible du pôle.