Note io4, page 127!
On n’y voyait pas à cent pas. Tout à coup , j ’aperçus droit devant
nous une grande masse blanchâtre qui sortait de la brume
comme la lueur d’une apparition. Je reconnus tout de suite que
c’était une énorme île de glace dont nous devions être terriblement
près. Je fis manoeuvrer et gouverner pour l’éviter ; nous la ran geâmes
à toucher : une longue houle semblait vouloir nous y jeter
à chaque instant au milieu de la nuit et de la brume. C’était
effrayant d’entendre le b ru it de la mer qui battait sur cette
énorme masse qui semblait gigantesque , et dont les foimies fantastiques
se perdaient dans le brouillard.
(Af. La Fargc.)
Note 104 bis, page 127,
Nous venons de prolonger la banquise dans une étendue de
deux cent vingt-cinq lieues. Nous l’avons rencontrée le 22 janvier
pour la première fois ; elle nous fermait le passage tout à la fois
dans l’est et dans le sud ; nous étions alors sur un des méridiens
des îles Orkney, par 63“ 26 de latitude sud et 47“ T de longitude
ouest à midi. Elle courait d’un côté nord et sud , de l’autre
ouest-sud-ouest. Cette dernière direction me rappela aussitôt que
ce ne fut qu’à 1“ 24^ plus sud, et par 55“ de longitude ouest, que
Bransfield fut an-èté en 1820. Il est très-pi’obable, en effet, que
notre banquise allait rejoindre vers le sud le point où se terminèrent
les progrès de ce navigateur à travers ces régions glacées.
Jeci’ois si peu aujoui'd’hui à l’inconstance des révolutions qu’éprouveraient
chaque année les glaces australes , que je suis convaincu
que nous eussions retrouvé une pareille barrière , et cela,
à peu près dans la même position , si la nature de notre mission
nous eût permis d ’attaquer la banquise plus à l’o u e st, sur le
même parallèle et sur le même méridien que Bransfield.
Tout en nous forçant de décrire d’immenses sinuosités, la banquise
nous ramena vers le nord, et le 26 janvier, nous nous trouvâmes
en vue des îles Orkney. Les 24, 25 et 26, M. Dumoulin ne
discontinua point de lever le tracé de la banquise, là précisément
où, en 1823, Weddell aurait trouvé la mer libre. Dans la soirée
du 24, la banquise nous apparut en grand désordioe dans l’est :
contre l’oi'dinaire, elle était composée d’une multitude d’énormes
montagnes de glace , dont les formes, aussi bizarres que variées,
nous offraient la perspective des ruines d’une foule de grands
monuments. Ce simulacre de cité antique subissant l’action destructive
du temps, occupait une zone peu étendue en largeur,
un quart de lieue environ , mais il s’étendait au sud jusqu’à la
dernière limite de l’hoiizon. La présence d’un nombre aussi
considérable de glaces élevées me fait croire que dans ce parage,
et probablement à peu de distance, existe quelque haute terre : les
montagnes, ou plutôt les falaises de glace, sont toujours un indice
de son voisinage, puisque sans elle elles ne pourraient exister.
Le 4 féviier, nous retrouvons la banquise ; des contrariétés de
vent nous en avaient éloignés pendant les journées des 3o et
3i janvier, des i “"", 2 et 3 février : cette nouvelle rencontre a lleti
par 62“ 20' de latitude et 3g° 18' de longitude ouest. Elle se prolonge
beaucoup à l’ouest et va évidemment rejoindre celle que,
le 26 janvier, nous avons laissée s’étendant vers l’est. Ainsi , la
route parcourue, par Weddell les 24, 25, 26, 27 et 28 janvier
1823 était barrée. Tout près de là , à moins de vingt lieues de
l’espace parcouru par le navigateur anglais, effectuant son premier
retour vers le nord , ‘la tentative de M. Dumont d’Urville
pour pénétrer dans le s u d , à travers la banquise, n’eut d’autre
résultat que de nous y faire bloquer.
Enfin, les i 4 et i 5 février, nous louvoyons afin de sortir d’un
golfe creusé dans le contour de la banquise, et où le vent n’eût pas