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Il était dix heures, le commandant voyant que la Zélée naviguait,
voulut essayer aussi. Nous ramassâmes nos amarres et
mîmes sous voiles. Nous restâmes ti’ès-longtemps ainsi sans pouvoir
avancer. Mais enfin, la brise ayant fraîchi considérablement,
la corvette finit par se frayer un passage et avec une grande rapidité.
Toutes les petites glaces qui nous encombi’aient furent
broyées et dispersées. Rien ne semblait pouvoir résister à l’impétuosité
du bâtiment. Cependant notre marche n’était pas continue
; le navire, après avoir parcouru un certain espace, avait
butté sur un gros glaçon , et alors rien ne pouvait le faire avancer.
Nous fûmes obligés d’avoir recours à notre ancienne manoeuvre.
Nous élongeâmes des faux-bras sur l’avant et nous les
fîmes virer au cabestan ; cette force, jointe à celle des voiles, finissait
par nous faire vaincre l’obstacle. Il suffisait, du reste, que
la corvette ne donnât pas droit de l’avant sur le glaçon ; dès
quelle ne portait que sur une joue, elle partait avec une vitesse
incroyable. Alors nous avions à peine le temps de rentrer nos
faux-bras; les hommes qui servaient à les élonger pouvaient à
peine rallier le bord. Il ventait alors presque coup de vent ; nous
avions une voilure d’enfer; la mâture résistait alors avec un
aplomb inconcevable.Lorsque le navire, avec toute son aire, était
arrêté par une grosse glace, on aurait dit que toute cette mâture
allait s’abîmer. Pas du tout, rien ne bronchait. Bien lui en prit
à cette bonne mâture, une avarie ne nous était pas nécessaire et
nous aurait fort gêné dans le moment actuel. Quel beau spectacle
que celui de ces deux bâtiments se frayant de force un passage à
travers ces glaces! tantôt immobiles comme elles, tantôt avançant
à pas de géanL brisant et broyant tout ce qui se trouvait sur leur
passage ! Pour compléter le tableau, çà et là quelques hommes,
immensément petits dans cette immensité, cherchant à rallier le
iKfe:
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navire et ne l’atteignant que lorsque celui-ci, malgré ses efforts,
était arrêté par un énorme glaçon. Ce sont là de ces scènes que
l’on voit rarement et qu’on est heureux de pouvoir raconter. Enfin
tous les obstacles furent franchis.
(Af. Duroch.)
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f i
I isIf
Dans la matinée, brume épaisse, pluie mêlée de neige ; mais les
vents ont changé : faibles d’abord de la partie du S. E., peu à peu
ils augmentent de force. 11 est huit heures, nous apercevons la
Zélée dans le S. 4 E. ; elle est sous les huniers, et, quoique marchant
lentement, elle avance au milieu de cet océan de glaces.
Nous ne tardons pas à imiter notre compagne. A dix heures ,
X Astrolabe est couverte de voiles ; elle donne une forte bande, la
mâture ploie. Poussée par cette force irrésistible, rien ne peut
s’opposer à la corvette; les glaces qui se trouvent sur notre passage
sont brisées , tout disparaît devant nous. Une énorme glace
que nous n’avons pu éviter arrête notre marche et nous retient
pendant une heui’C , sans que nous ayons pu la refouler. Grelins
, espars , tout a été mis en usage , e t, après de pénibles cU
forts, nous parvenons enfin à nous dégager. La brise augmente
de violence et souffle enfin par rafales. Après avoir vu courir la
corvette sur d’énormes blocs qui nous auraient brisés, sans la
solidité de notre construction et si notre manoeuvre n’avait pu les
éviter, la mer libre s’aperçoit et agite violemment les premières
glaces qui forment la banquise. Nous touchons à la limite de nos
travaux pénibles ; servis par un concours heiireux de circonstances,
nous sortons enfin à quatre heures du soir de cette banquise
où nous avons couru de si grands dangers. H Astrolabe
donne dans la mer libre ; la grande voile est serrée, les huniers
au bas ris. Bientôt, nous sommes forcés de serrer la misaine et
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