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Février.
Is*
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qiies mètres avec les plus grands efforts. En outre, le
cliangement du vent qui menaçait de fraîchir fit naître
en moi de sérieuses réflexions.
Effectivement, en employant toutes nos forces, il
n ’élait pas impossible que nous pussions atteindre le
bord de notre ceinture de glaces. Mais, arrivés là, où
trouverions-nous désormais des points d’appui poui-
nous avancer davantage, et comment pourrions-nous
mettre à la voile, acculés comme nous le serions au
bord de la banquise? Ne pouvait-il pas arriver que le
vent ainsi contraire ne fraîchît et ne finît par nous
démolir avec la lame contre les gros glaçons libres
dont la banquise était bordée ? En ce cas, nous en eussions
été réduits au triste rôle de voir nos navires s’en
aller par morceaux, sans pouvoir y apporter remède.
Déjà la houle du large se faisait sentir à nous, et nous
la voyions briser avec une certaine force sur les bords
de la banquise.
Comme c’était une circonstance des plus critiques,
j ’assemblai les officiers, je leur fis part de mes craintes
et ne leur dissimulai pas que mon avis était de rentrei-
dans l’intérieur des glaces : puis je recueillis leurs
avis. Tons se rangèrent à mon opinion. Aussitôt nous
commençâmes notre mouvement rétrograde; nous
eûmes beaucoup de peine à faire virer la corvette à
travers les glaces qui la cernaient, mais une fois le ca]»
au sud, favorisée par le vent, elle ne fut pas longtemps
à opérer son retour en suivant la trace qu’elle
avait déjà creusée.
Rentrés dans le bassin intérieur, nous courûmes
deux longues bordées, l’une à l’E. N. E. et l’autre à
Î’O. N. 0 . chaque fois espérant trouver une issue, et
chaque fois arrêtés par une b a n q u i s e impénétrable.
Un grain de neige fort épais nous déroba un moment
la vue de la Zélée qui avait été un peu plus tardive
que nous à se dégager, par la raison toute simple
qu’elle avait gagné près de 100 mètres de plus dans la
banquise. Ayant misen panne pour l’attendre, quand
elle fut à portée de voix, je dis au porie-voix, au capitaine
Jacquinot, que voyant nos efforts inutiles de ce
côté, j’allais laisser porter à l’ouest, en prolongeant îa
banquise pour chercher une issue dans cette direction.
Il applaudit à cette idée, et me dit qu’il craignait
d’avoir eu un bordage défoncé par suite d un aboi-
dage très-violent contre un gros glaçon. J’exammai
les deux joues de l’avant de la Zélée, je ne vis rien et
en conclus avec joie que ses craintes n ’étaient point
fondées. Il était alors trois heures et trois q u arts, je
laissai porter successivement au 0 . S. 0 ., S. 0. ^ 0 .,
et S. 0. tantôt au travers de flaques d’eau plus dégagées,
tantôt au travers d’énormes blocs de glace
contre lesquels, malgré toutes mes précautions, nous
ne pouvions nous empêcher de faire de violents abordages.
Le vent soufflait bon frais , nous courions
grand largue, et les glaces étaient trop rapprochées
pour que la corvette eût toujours le temps d évoluer
assez vite pour les éviter.
Dans un de ces violents assauts, la secousse fut si
rude et si imprévue, que j ’aurais été précipité la têle
en bas de la dunette sur le pont, si M. Demas, placé
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