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1838.
Février.
104 VOYAGE
de nous ce point de reconnaissance pour le jour suivant
*.
La Zélée, qui ne cessa son travail qu’à dix heures
environ, s’amarra à trois encâblures dans l’E. S. E.
Malgré mes inquiétudes, vaincu par la fatigue,
j’allai me coucher à neuf heures, après avoir recommandé
à M. Marescot de bien veiller à ce que la corvette
ne s’approchât point de notre voisin le dolmen.
Je croyais du reste cette recommandation superflue,
tant nous étions solidement encaissés dans la banquise
, et parce que la neige qui tombait en abondance
ne pouvait encore tendre qu’à mieux souder
les glaces. Je dormais donc d’un profond sommeil,
lorsqu’à dix heures et demie je fus réveillé par M. Marescot,
qui venait lui-même m’annoncer que nous
tombions à vue d’oeil sur le fatal dolmen. Je sautai en
tonte hâte sur le pont, et vis en effet que nous accostions
rapidement cette masse dont nous n ’étions plus
qu’à 30 ou 40 mètres.
Je ne pouvais m’expliquer un événement aussi
inattendu; quand jetant les yeux autour du navire,
je reconnus avec autant de surprise que de joie que
la mer était libre : les glaces s’étaient complètement
séparées, et notre canot major, envoyé pour porter
une amarre afin de nous écarter du dolmen, navigua
sans peine sur un espace où la veille nos matelots
cheminaient à pied. Quoique très-faible, le vent en
passant à l’E. S. E. avait opéré cet étrange change-
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ment, qu’aidait peut-être une direction nouvelle dans
les courants.
Fidèle à mon principe de saisir l’occasion propice
aussitôt qu’elle se présente, après avoir mis la corvette
à l’abri des attaques du dolmen, j’ouvris, devant
MM. Marescot et Roquemaurel qui étaient montés
sur le pont, l’avis de mettre à la voile sur-le-champ
et de gagner au moins un ou deux milles a ers la
pleine mer. Cette ouverture fut accueillie si froidement,
l’un et l’autre parurent tellement redouter une
navigation nocturne à travers les glaces, que je nie
décidai à remettre cette opération au jour. A minuit
j’allai donc me recoucher, mais avec la vive espérance
d’être bientôt délivré, et non sans avoir recommandé
expressément de m’éveiller au petit point
du jour.
A trois heures , le timonnier envoyé par 1 officier
vient m’annoncer qu’il est jour. Sur-le-champ, je lui
demande ; Comment sont les glaces? et il répond :
Comme hier au soir. Je lui fais répéter cette réponse
que je ne conçois point, puis lui ordonne avec colère
de m’envoyer le chef de timonnerie, qui vient me
confirmer la réponse de son timonnier. Alors je m’élance
sur le pont, et reconnais avec le plus vif chagrin
que nous sommes de nouveau bloqués par des glaces
compactes n ’offrant aucune interruption. 11 me semble
même que les glaces étaient encore plus serrées
que la veille, tant la corvette était immobile.
J’interroge M. Duroch, qui m’appi'end q u e , peu
après axoir pris le quail à minuit, le veut étant repasse
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