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l’audace et de la témérité ; mais je conservais toujours l’espoir île
pouvoir sortir par le chemin qui nous avait amenés ; je ne tardai
pas cependant à perdre cette illusion , en jetant mes regards de
ce côté , et en voyant que les glaçons s’étaient en peu d’instants
tellement rapprochés et soudés les uns avec les autres, que toute
issue paraissait fermée.
A cinq heures , nous remîmes lèvent dans les voiles, et, après
avoir forcé le passage à travers une infinité de blocs , nous nous
trouvâmes dans un espace plus libre , qui pouvait offrir environ
un mille de louvoyage dans tous les sens. Nous courûmes quelques
bords sans trouver sortie nulle part, et, à six heures et demie,
Y Astrolabe nows fit le signal de prendre le mouillage. Elle
cargiia aussitôt ses voiles et s’amarra sur une montagne de glace ;
nous imitâmes sa manoeuvre et nous fixâmes la corvette à une
glace semblable, à environ un demi-mille plus ouest. Plusieurs
veaux marins se montraient tout près de nous, se gaudissant
sur la neige et ayant l’air de nous considérer avec étonnement.
[M. Jacquinot.)
Note 5 6 , page 87.
Le 4 au matin, le vent avait tourné vers le nord, l’horizon s’était
embrumé, les îles de glace s’étaient rapprochées, et le nombre
des pétrels de toute espèce, surtout des pétrels blancs , était si
grand, que tout portait à croire que nous rencontrerions bientôt la
terre ou la banquise ; car jamais le nombre de ces oiseaux n’avait
été aussi considérable que dans leur voisinage. Malgré tous ces pronostics,
nous avançions rapidement vers le sud, et, à dix heures,
on commença à voir les glaces compactes par tribord. Nous changeâmes
aussitôt de route, prîmes les eaux de Y Astrolabe, et mîmes
le cap à l’E. S. E., directement où on apercevait une ouverture ,
autant que la vue pouvait s’étendre alors. Pour y pénétrer, nous
fûmes obligés de traverser un espace de plusieurs milles tellement
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rempli de grosses glaces très-rapprochées , que, malgré tous nos
efforts, nous ne pûmes nous empêcher d’en aborder quelques-
unes ; mais , comme nous avions environ cinq noeuds de vitesse ,
les chocs furent assez violents ; une fois même, la corvette ne put
en éviter une sur laquelle elle s’arrêta tout-à-fait et reprit ensuite
son aire , à travers des eaux couvertes de petites glaces plates ,
provenant de débris de la banquise , mais comparativement plus
rares. Nous gouvernâmes ainsi jusqu’à quatre heures avec une
brise assez fraîche du nord , et de la neige q u i, souvent, nous
rétrécissait beaucoup l’horizon. Notre scie à glace avait été fortement
ébranlée , et nous vîmes en passant celle de Y Astrolabe qui
était restée sur une glace qu’elle avait abordée en forçant le passage.
Plusieurs phoques endormis sur les glaces flottantes, ou se
roulant pesamment sur elles, fixèrent notre attention, quoique le
soin de chercher à éviter les glaces et à trouver des ouvertures
devant occupât presque exclusivement chacun de nous. Ces
animaux me firent alors l’effet de grosses sangsues rampant sur les
glaces, dont la blancheur les faisait vivement ressortir et apercevoir
de loin. A quatre heures, la neige était devenue si épaisse,
que nous fûmes obligés de mettre en panne dans un espace libre
assez resserré, en attendant une éclaircie pour pouvoir nous diriger.
Le vent passa pendant ce temps au N. O., e t, quand l’é-
claircie vint, nous n’aperçûmes plus aucun passage vers le sud ,
et nous louvoyâmes de cinq heures à six heures et demie sous les
huniers, dans une espèce de lac d’environ un mille d’étendue, entouré
de glaces paquetées plus ou moins serrées. Nous vîmes bientôt
l’impossibilité de gagner dans le vent, et de trouver, pour le
moment, une issue à cette espèce de cul-de-sac où nous étions. Il
n’y avait pas d’autre parti à prendre que de ne pas s’avancer davantage,
et de lâcher de s’arrêter; mais la brise fraîchissait toujours.
Le commandant d’Urville nous fît alors le signal de mouiller
, el, aussitôt après, nous amenâmes les deux corvettes sur le
plus gros glaçon à notre portée , opération qui fut fort difficile
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