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PI, XVIÎ.
Dans cette inutile tentative, nous pûmes du moins
approcher assez des terres pour en distinguer tous les
accidents. Nul aspect au monde ne peut être plus
triste, plus repoussant que celui de ces contrées désolées.
Après s’être longtemps promené sur les plaines
immenses de glaces qui s’étendent sans interruption
de la base jusqu’au sommet de cette chaîne de montagnes,
l’oeil fatigué s’attriste encore plus en s’arrêtant
sur ces rochers n u s, arides et escarpés dont la teinte
noire et lugubre vient seule rompre la blanche uniformité
de la côte. Très-souvent on voit encore arrêtées
à peu de distance les masses de glaces qui, en se détachant,
ont laissé le roc à nu. Il est même probable que
plusieurs de ces blocs gigantesques, touchant encore
par leur base au fond de l’eau, sont obligés d’attendre
un dégel plus prolongé, avant de pouvoir flotter librement
vers la haute mer. Il est encore indubitable que
le degré plus ou moins avancé de la fonte générale
des glaces doit faire subir aux accidents de la côte des
modifications sans nombre. Ainsi, tout tracé du littoral
opéré sur ces te rres, tant qu’elles sont encore
ensevelies sous les neiges, ne peut être définitif et ne
sera relatif qu’à l’époque même où il aura été exécuté.
C’est à ce motif que j ’attribuai dès-lors les différences
surprenantes que je remarquais entre les formes
des terres indiquées sur la carte grossière de
Weddell et celles qui se représentaient à mes regards*.
Nous passâmes donc le reste de la journée à louvoyer,
en faisant des bordées de quatre heures, alin
de moins fatiguer les équipages, et souvent obligés
d’arriver pour les glaces qui croisaient notre route,
if une d’elles que nous prolongeâmes à moins de cent
mètres de distance, d’un côté tout entier présentait la
pins belle teinte de bleu améthyste transparent, el
de l’antre était nuancée par des veines de couleur
verte, semblable à celle du sulfate de cuivre. Près de
ce bloc, une autre masse de 20 à 30 mètres de bailleur
et 80 ou 100 de longueur, se terminait supérieurement
par une surface plane et polie, comme une
immense table d’une blancheur légèrement veinée de
nuances bleues comme certains marbres grecs. A sa
base, sa muraille était percée très-symétriqnemenl
par quatre arcades à jo u r, qui lui donnaient toute
l’apparence d’un pont un peu massif mais assez régulier.
Tout à coup, en l’examinant attentivement, nous
avons vu ce bloc énorme, d’abord assis presque horizontalement
, s’incliner doucement sur un de scs
flancs, jusqu’à former un angle d’environ 15 à 20"
avec l’horizon. Alors nous nous attendions tons a le
voir chavirer tout-à-fait, quand après quelques minutes
d’arrêt, il a repris tranquillement sa premièi-e
position. Ce mouvement oscillatoire a ensuite continué
aussi longtemps que la distance nous a permis de
le suivre des yeux. 11 faut croire que sa base était
déjà trop minée pour qu’il pût rester immobile contre
les brusques attaques des lames de l’est, mais pas
assez pour le forcer de eu i bu ter complètement. La
'¡838.
Janvier.