à M. Dumoulin pour le tracé de la banquise. Au large,
la mer est presque libre, puisque nous ne comptons h.
midi qu’une douzaine d’îlots, et notre navigation nous
paraît très-aisée après ce que nous venons d’éprouver,
tant il est vrai qu’en ce monde tout n’est que relatif.
A midi, nous observons 62“ 42' lat. S. Le ciel est
pur, le soleil brillant donne une douce chaleur, à tel
point que je m’endors un moment étendu sur la dunette,
et enveloppé de mon manteau. Nous avons en
vue de nombreuses baleines , de beaux souffleurs de
7 à 8 mètres de long, pourvus de longues nageoires
dorsales en forme de faux, et tachés de blanc aux
flancs et aux côtés de la tête, des pétrels de neige et
des pétrels blancs et noirs. Ceux-ci se posent par
milliers sur les nappes de neige qui recouvrent presque
toujours la surface supérieure des montagnes de
glace.
En continuant notre route le long de la banquise,
nous reconnaissons que sa lisière paraît être en décomposition.
Ce n ’est qu’à près de cent mètres qu’elle
redevient compacte ; on distingue quelquefois de petits
fdets d’eau, mais toujours très-resserrés et de peu
d’étendue. Autour de nous les eaux de la mer laissent
arriver à leur surface de fréquentes bulles d’air,
comme on l’observe sur les rivières au moment du
dégel. Enfin, nous avons entendu deux fortes détonations
provenant sans doute de l’éboulement des îles
de glace. Tout se réunit pour me convaincre que la
débâcle s’opère en ce moment ; la saison n ’est pas encore
assez avancée et Fanning a raison de dire qu’il
est inutile de tenter des efforts en ces parages avant le
mois de février.
A trois heures, la banquise nous dépasse beaucoup
de l’avant et revient même nous envelopper à bâbord.
Cofttre-temps fâcheux et qui nous menace d’une
grande perte de temps. En outre, la vigie annonce que
les glaces sont en décomposition devant nous et que
la mer paraît libre au-delà. Alors je pousse droit de
l’avant au milieu de nombreux glaçons, et au bout
d’une heure, nous nous retrouvons dans une mer libre,
et nous voyons la banquise fuir au loin sur tribord,
puis disparaître entièrement. Nous continuons
de gouvernei’ au nord pour nous rapprocher des îles
New-South-Orkney.
Maintenant il devient évident pour moi que la banquise
va se rattacher tout droit aux terres de ces îles,
dont nous ne sommes plus guères qu’à vingt lieues.
Nous venons, dans ces trois derniers jours, de suivre
péniblement les bords d’un vaste golfe de glace ouvert
au N. 0 . seulement, dans une étendue de deux
cents milles environ. Malheur à nous si nous y eussions
été assaillis par un des coups de vent de N. 0. si violents
et si fréquents à ces hauteurs. Nos corvettes,
travaillées p a rla mer et obligées à chaque instant de
laisser porter pour éviter les glaces, eussent eu bien
de la peine à se soutenir au vent de la banquise et nous
aurions couru les plus grands risques *.
" Nüle 38.
1838.
Janvier,
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