.84 VOYAGE
CHAPITRE XIII.
Entrée et séjour dans la banquise.
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Ï838. Quelques minutes après midi, découvrant au tra~
4 février, ^ vers de la banquise sous le vent a nous, une apparence
d’ouverture, à tout hasard j’y lançai les corvettes,
manoeuvre bien téméraire il est vrai, mais
devenue presque inévitable, puisque la banquise du
vent se rapprochant sans cesse de l’autre, allait visiblement
s’y rattacher et par conséquent nous envelopper
de toutes parts. La brume et les grains de neige
qui tombaient de temps en temps, compliquaient notre
navigation d’une manière fort peu agréable. Les
glaçons étaient devenus si nombreux qu’il était impossible
de les éviter tous, aussi nous bornions-nous
à nous défier de ceux qui auraient pu nous défoncer
par leur choc, et quant aux autres, notre étrave les
ri xvui. broyait sans pitié, ou les chassait de notre passage.
Cette manoeuvre audacieuse nous réussit assez
longtemps , nos solides corvettes triomphaient des
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obstacles et nous en étions quittes pour des secousses
si violentes, que la carène de chaque corvette en vibrait
dans toutes ses parties. La scie ajustée sur notre
guibre se comporta d’abord assez bravement; mais
des abordages répétés ébranlèrent peu à peu les clous
qui la retenaient, et un choc plus fort que les autres
la détacha complètement. La Zélée qui venait dans
nos eaux la vit piteusement étendue sur le glaçon qui
lui avait donné l’assaut. La Zélée vit aussi, malgré
ses efforts, sa scie ébranlée, mais on put y attacher
une amare et la ramener cà bord avant que le dernier
clou ne fût enlevé.
Ce fut alors que nous vîmes pour la première fois
des phoques du genre Stenorunchus. Ces stupides amphibies
étaient le plus souvent couchés à plat sur la
surface polie des glaces, on eût dit alors d’énormes
sangsues collées contre la glace. D’ordinaire, ils nous
laissaient passer tout près d eux sans daigner faire un
mouvement, ou bien ils se contentaient de tourner
languissamment la tête vers nos navires, en les considérant
d’un oeil passif et indifférent. Nos matelots
brûlaient du désir d’aller s’eserimer contre ces
étranges animaux. Mais ce n ’était pas le moment de
songer à de pareilles distractions.
En effet, à deux heures cinquante minutes, la neige
devint si intense et si continuelle qu elle nous masqua
la vue de la Zélée, distante dé moins de 600 mètres,
et je cessai d’y voir assez pour diriger ma route d’une
manière sure. Nous nous trouvions alors dans une
espèce de petit bassin intérieur , à peine large de
1833.
Février. :'Ï|J