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France, suivant qu’il le jugerait convenable. A cette
époque, je ne m’imaginais pas que les corvettes pourraient
encore entreprendre une longue et pénible
traversée comme celle du cap Horn, sans avoir été
soumises à des réparations ou du moins à une visite
scrupuleuse, après leurs rudes assauts dans les glaces.
En remontant, j’adressai quelques paroles d’encouragement
aux oificiers et à l’équipage qui s’étaient
rassemblés sur le pont, puis je regagnai mon navire.
L’un des matelots qui m’accompagnaient me conta
que les marins de la Zélée commençaient à s’ennuyer
de ce métier. «.Notre commandant, disaient-ils, devrait
en avoir bien assez avec les glaces; quand veut-il enfin
nous tirer de là , c’est bien ennuyant, il serait temps
d’en finir. » J’avais pour le moins autant d’envie
qu’eux de sortir de prison, mais cela ne dépendait pas
de moi, comme ils se l’imaginaient.
Ma visite à bord de la Zélée eut pour moi un résultat
précieux, car elle me procura îa conviction que le
zèle et la constance de M. Jacquinot n ’étaient point
ébranlés par les périls que nous avions déjà courus et
par ceux qui nous menaçaient encore. Pas une
plainte, pas un regret même indirect ne lui échappèrent
, et pour m’accompagner partout où je voudrais
le conduire, il me témoigna la même satisfaction, le
même dévouement que de coutume. D’aussi nobles
sentiments ne contribuèrent pas peu à soutenir mon
propre courage; certain du concours d’un aussi digne
compagnon, de nouveau je me sentis capable des plus
grands efforts pour accomplir dignement ma tache.
De reioiir à bord, je fis sur-le-champ gouverner au
N. et N. jN. 0 . à travers des glaces multipliées, mais
qui cédaient facilement à l’impulsion de nos navires.
A l’aide d’une jolie brise et par un temps assez beau,
bien que brumeux, nous gagnâmes trois ou quatre
milles dans cette direction. Mais à dix heures précises
nous arrivâmes sur le bord d’une banquise de deux
milles et demi d’épaisseur, qui nous séparait de la
mer libre qu’on découvrait clairement des huniers
dans la direction du N. N. 0. an N. 0.
Là, nos deux corvettes s’arrêtèrent tout à coup. Il
fallut avoir recours au métier de la veille. Les équipages
sautèrent joyeusement sur la glace, puis en
élongeant des amarres, cassant et écartant les glaces
de l’avant et nous hâlant du bord avec vigueur, nos
deux navires s’avancèrent, bien lentement il est vrai,
mais avec constance, vers la haute mer. Lu Zélée nous
suivait de près et traçait un sillon parallèle au notre.
A la vue l’un de l’a u tre , et suivant leurs progrès relatifs,
les deux équipages s’excitaient mutuellemenl à la
besogne. Ce qu’il y avait quelquefois de plus maussade,
c’était d’être subitement arrêtés par un glaçon,
plus dm* ou plus encaissé par ses voisins, qu’il était
impossible de déplacer; car il fallait faire obliquer les
corvettes elles-mêmes assez pour contourner l’obstacle,
et c’était une opération très-longue el très-pénible.
Tandis que nous étions occupés à ce rude travail,
l’attention fut un moment distraite par un glaçon
près duquel nous passions , qui nous offrit de larges
1838.
Février.
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