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1838.
Février.
11.
routes dans les glaces. L’estime ne peut rien donner
d’exact, attendu l’impossibilité de tenir un juste
compte de nos routes, et les mouvements irréguliers
qu’avaient évidemment subis les champs de glace.
Dans la soirée, le vent devenant plus maniable et
la mer moins dure, je questionne M. Jacquinot sur
l’état sanitaire de son équipage. J’apprends qu’il est
très-bon, et que la Zélée n ’a qu’un seul homme sérieusement
malade. Nous sommes moins favorisés,
car en ce moment, nous avons dix hommes plus ou
moins affectés parmi lesquels on compte les trois médecins.
Mais j ’espère que cela ne sera que passager ;
d’ailleurs je me propose de redoubler de prudence
Après une nuit encore passée aux petits bords, au
jour le vent ayant varié au S. S. 0. et même au S. 0.
bon frais, je serre le vent jusqu’au S. E. pour nous
rapprocher peu à peu de la banquise. Sept ou huit
îles de glace sont en vue. Le thermomètre se tient
stationnaire à — 5“ et le froid devient presqu’intolé-
rable. En outre la corvette est couverte de stalactites
de glaces, et les cordages chargés de verglas, ne courent
qu’avec bien de la peine dans les poulies. La
moindre manoeuvre devient extrêmement pénible
pour les matelots, et si cela continuait, je serais réduit
à y renoncer, sous peine de voir l’équipage succomber
à d’aussi rudes fatigues.
Néanmoins nous nous félicitons tous d’avoir pu nous
échapper de notre prison, car avec le froid rigoureux
qui n ’a cessé de régner depuis quarante-buit heures,
il y a tout à parier que la banquise est complètement
soudée, et nous y serions peut-être bloqués sans espoir
en ce moment.
Nous sommes entourés de damiers et de pétrels
blancs qui se tiennent par troupes de vingt et trente,
ce que nous n ’avions pas encore observé.
A midi précis, par 62“ 27' lat. S. nous venions de
compter vingt-deux grosses glaces; la banquise se remontra
devant nous, s’étendant à toute vue par tribord
jusqu’au S. 0 . et par bâbord jusqu’à l’est.
Elle était basse, uniforme, bien soudée sur ses bords
et flanquée seulement çà et là de glaces plus grosses.
Je revins alors jusqu’au S. E. \ S. et cette route m’eut
bientôt amené à moins de deux milles des bords de la
banquise. Lne fois à cette distance, je prolongeai la
bordée à l’E. N. E. qui était îa direction générale de
îa barrière. Parfois nous trouvions des espaces couverts
de fragments assez volumineux et en dérive, il
fallait veiller avec soin, pour ne pas nous engager dans
ces dangereux débris.
Vers huit heures du soir, après avoii' suivi de près
la banquise l’espace de quarante milles environ, près
d’une pointe au-delà de laquelle sa direction semblait
fuir dans le S. E. je laissai porter au N. 0 . pour m’en
éloigner à huit ou dix milles. Le soleil avait paru
quelques instants dans l’après-midi, puis le ciel avait
repris son voile sombre accoutumé. Il ventait frais du
S. 0 . avec un froid piquant et d’épais grains de neige.
Dans un de ces grains nous faillîmes aborder une glace
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Février.
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