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18"8.
février.
deux milles, et partout cernés par des murailles de
glace, excepté dans la seule partie par où nous étions
entrés. Je voulus d’abord rester en panne, puis aux
petits bords, mais je dérivais beaucoup et je voyais
l’instant où j ’allais tomber sur les glaces sous le vent
sans pouvoir m’en retirer. Pour reculer le plus possible
une aussi fâcheuse situation, à sept heures je
commençai à courir des bordées pour me relever au
vent, et à huit heures, parvenu dans la partie supérieure
du bassin, je signalai à la Zélée l’ordre de se
tenir prête à prendre le mouillage ; puis ayant choisi
le glaçon dont l’assiette me semblait la plus solide, je
piquai droit dessus, mi canot y jeta un grelin, et serrant
toutes ses voiles, Y Astrolabe resta paisiblement
amarrée près de ce bloc, comme elle eût pu le faire
sur un corps mort dans la rade de Toulon.
Aussitôt amarrés, j ’expédiai M. Dumoulin sur une
glace pour y faire une observation d’inclinaison. La
Zélée imita notre manoeuvre, mais elle manqua le
premier glaçon qu’elle voulait attaquer ; tombée en
dérive, elle fut obligée de se contenter d’un autre
bien trop petit pour lui offrir un point d’appui suffisant.
Ces manoeuvres, tout-à-fait insolites pour nos
marins, les divertirent beaucoup, en dépit des fatigues
qu’elles leur causaient; surtout à bord de la
Zélée 011 s’amusa singulièrement de la naïveté d’un
jeune novice qui, apprenant qu’on avait donné l’ordre
de mouiller, s’écria ; « Est-ce qu’il y a un port ici
près, je ne croyais pas qu’il y eût des habitants au
iravers des glaces.
Les officiers étaient eux-mêmes si enthousiasmés
de notre exploit, qu’un détachement de ceux de la
Zélée avait rendu visite à ceux de Y Astrolabe ; ils vidaient
ensemble un bol de punch et se félicitaient de
ce que nous eussions osé ce que nul navigateur n a-
vait entrepris avant nous, de nous engager gratuitement
au travers des glaces du pôle antarctique. En
ce moment, je me mettais au lit et je pouvais entendre
les bruyantes expressions de leur satisfaction.
J’admirais leur courage et leur insouciance, mais je
dois avouer que je jugeais notre position actuelle sons
un point de vue tout différent. La témérité et 1 impi ii-
dence de cette tentative se découvraient tout entières à
mes yeux ; il était évident qu’après avoir pénétré par
de longs défilés dans les glaces, nous étions enfin parvenus
dans une sorte d’impasse. Pour en sortir, nous
n’avions pas d’autre issue que celle qui nous avait
donné passage, et il eût été impossible de songer à en
sortir, à moins d’avoir vent sous vergue, et dans ce
cas, n’y avait-il pas lieu de craindre que le v en t, en
rapprochant les glaces qui la formaient, ne nous ravît
complètement le retour. Ces prévisions ne laissaient
pas que d’etre fort inquiétantes ; toutefois, comme
c’est mon habitude en pareil ca s, après avoir lait en
sorte de calculer par la pensée toutes les chances fâcheuses
et tous les moyens possibles d y parer, je ne
lardai pas à m’endormir d’un sommeil assez profond
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