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banquise prétendue eu déinoblion, conduisait natureliement les
esprits vers cette pensée que le moment était arrivé de faire une
tentative pour forcer le passage. M. Dumout dUi'ville, plus que
tout autre, devait avoir le désir d’essayer les forces des puissances
à sa disposition, et de s’assurer par lui-même jusqu’à quel
point il pouvait espérer vaincre les obstacles que nous opposait
cette désespérante barrière. Il laissa donc porter au milieu de
cette foule de fragments de glace, évitant les plus gros par de nombreuses
sinuosités , et abordant ceux que le défaut d’espace pour
évoluer ne lui permettait point d’éviter. Malgré cet inconvénient,
nul doute qu’il eût pu atteindre ainsi une très-haute latitude , si
les plateaux de glace eussent constamment été aussi écartés qu’ils
l’étaient dans le trajet des douze pi'cmiers milles que nous parcourûmes
d’abord ; mais, à la fin de la soirée, la banquise devint
si serrée, notre route se trouva semée de glaçons si élevés , leur
volume, leur poids et leur dureté les rendaient tellement inabordables,
qu’il fallut s’arrêter et se résigner à attendre qu’un autre
vent nous permît de reprendre le chemin qui nous avait amenés
au milieu de cet infernal désordre. Nous nous amarrâmes sur
les glaces : nous avions fait alors dix-huit milles dans la banquise.
Pendant la nuit, les vents du nord continuèrent à souffler ; les
glaces éparses revinrent sur elles-mêmes, et, au lever du jo u r,
nous en étions si complètement environnés , que le chenal suivi
la veille par les corvettes avait disparu. En ligne droite, directement
vers le nord , la mer libre était à peu près à une lieue du
point où nous étions retenus ; elle était trop peu éloignée pour
qu’il ne nous restât pas l’espoir d’échapper à notre prison ; mais
en attendant qu’il se réalisât, un vent froid du sud pouvait nous
souder jusqu’au l’etour d’un autre été, ou sinon, les vents du
nord pouvaient compi'omettre nos bâtiments, sans qu’il nous fût
possible de leur échapper par les seuls efforts de nos bras.
La proximité de la mer libre, sur laquelle se fondaient dorénavant
nos espérances, était précisément aussi la cause de lune de
nos plus grandes inquiétudes ; en effet, il était évident qu’un
coup de vent du nord , en soulevant les flots de cette partie vers
le sud, nous exposerait à toute la fureur d une mer d autant plus
à craindre qu’elle n’était brisée par aucune terre, et que ses lames
roulant sans obstacle des parallèles orageux de la Plata aux limites
des glaces, sur un espace de 5oo lieues, viendraient démolir
la banquise en l’écrasant de leur poids.
Nos prévisions n’étaient que trop fondées,car, le 8, un fortvent
s’éleva du nord ; la mer transmit promptement ses ondulations au
champ de glace où nous étions engagés. Nous reçûmes des chocs
violents et nous eûmes surtout alors de sérieuses craintes poulies
gouvernails des deux bâtiments. Si un vent plus impétueux
encore , ou plus durable , fût parvenu , de concert avec la mer, à
détruire le bord de la banquise , nous eussions nous-mêmes peu
tardé à voir nos navires se démolir contre les glaces. Dans la nuit,
le vent s’apaisa, et le 9 février fut signalé par notre délivrance.
Elle arriva plus tôt que nous ne l’avions espéré. Certes, la
veille, nous étions loin de la prévoir, lorsque le vent repoussait
de plus en plus les glaces sur nous et paralysait nos moindres
mouvements ; lorsque l’aspect du ciel ne nous présageait que des
vents du nord, et avec eux peut-être une fin prochaine. Pour sortir
de cette situation , il fallait un vent du sud ; il le fallait d’une
grande force. Comment aurions-nous cru à un changement si
brusque , si diamétralement opposé , au milieu des circonstances
fâcheuses où nous nous trouvions placés ? Cependant, tout se
passa le 9 , comme nous l’eussions ordonné si nous avions eu la
puissance de disposer des phénomènes atmosphériques. Un peu
disjointes d’abord par la rapidité du vent qui poussait lentement
leur masse vers la mer libre , les glaces semblaient à regret nous
préparer un étroit passage. Nos mâts pliaient sous l’effort pi’odi-
gieiix qui tendait nos voiles, et, malgré cette apparence de vitesse,, ^
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