n’avait encore remarquée. Alors, je condamne à un
redoublement de faction l’homme en vigie qui désormais
n’aura pas signalé le premier une glace visible de
dessus le pont. Comme c’est une punition assez pénible
par le froid qu’il fa it, cela invitera sans doute les camarades
à redoubler de vigilance.
La brume nous fait reprendre la cape à trois heures
et demie, et à neuf heures et demie nous nous remettons
en route à l’est, fdant de trois à quatre noeuds.
A deux heures, nous passons à deux encablures environ
du glaçon que j’avais vu le matin. Il offrait
l’aspect d’une masse sapée intérieurement par les
flots, de manière à ressembler à une vieille tour en
ruines, avec des flancs parfaitement à pic. Une partie
de sa surface extérieure avait tout l’éclat de la
neige, mais la plus grande partie était d’un blanc
sale et terne qui l’eût volontiers fait prendre pour
un ro ch e r, vu à une certaine distance. L’intérieur,
au contraire, présentait des teintes légèrement
azurées dont les reflets devenaient éblouissants quand
les rayons du soleil venaient frapper dessus. Un gros
rocher, engagé dans une de ses parois, démontrait
suffisamment que cette masse avait dû être amenée
des côtes de quelque terre *.
M. Dumoulin prit sur ce glaçon plusieurs angles
au cercle qui, combinés avec la base mesurée par
le loch, lui donnèrent le moyen d’en conclure les
dimensions avec une exactitude satisfaisante. Elles
se trouvèrent être de 190 mètres de longueur environ
sur 150 de large, avec 40 de hauteur dans sa partie
S. et 30 dans sa partie N. Cette masse semblait si
complètement immobile que la houle venait briser
avec fureur le long de ses flancs, comme elle eût
pu le faire contre un roc. Cependant elle semble
s’incliner déjà sur un côté, et des efforts prolongés
iiniront par la faire chavirer.
Une heure après, un autre bloc plus long, mais
non moins élevé et plus incliné sur ses flancs, passe
à un mille sur bâbord. Dans l’après-midi, il tombe
de la pluie et de la neige fondue, ce qui entretient
une humidité désagréable dans l’intérieur du navire.
La brume nous oblige encore par moments à modérer
notre marche. Plusieurs montagnes de glace
sont en vue et quelques-unes nous forcent à manoeuvrer.
Ce métier devient triste et pénible. Outre les glaces
, il nous faut veiller avec beaucoup d’attention à la
Zélée, tant pour éviter de la perdre, que de venir
heurter contre elle, accident qui ne pourrait manquer
d’avoir des suites fâcheuses, avec la grosse houle du
nord qui ne cesse de régner.
A neuf heures du matin, la brise d’ouest fait place
à celle du S. E. L’horizon s’éclaircit un peu et nous
pouvons cheminer lentement; à sept heures nous
avons vu voltiger le premier pétrel blanc. De onze
heures à midi, il tombe une neige fort épaisse, qui
continue dans l’après-midi par intervalles. Cependant
je poursuis ma route à l’est et à l’E. S. E. Les îles de
1838.
Janvier.
19.