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niilievt des nuits les plus obscures, des brunies les plus épaisses,
vingt fois elles avaient été sur le point de se séparer, niais toujours
une destinée plus forte que les circonstances les avait réunies.
Aussi jamais , pendant le cours de tous nos dangers , personne
ne songea à une séparation possible. L’esprit superstitieux
de nos matelots avait été frappé, et l’homme de vigie, les yeux
toujours fixés sur les mouvements de Y Astrolabe, la considérait
comme un phare ; e t, quand la brume ou l’obscurité lui faisait
perdre sa trace, la sérénité ne reparaissait sur toùs les visages
que lorsqu’un signal convenu, coup de canon,ou feu du beiigale,
venait attester sa présence non loin de nous.
L’on avait aperçu, le matin, des phoques qui, étendus sur des
glaçons près desquels la dérive nous poussait, semblaient nous
regarder avec curiosité et sans crainte.
Les naturalistes désiraient vivement se procurer les dépouilles
de ces animaux, dont l’espèce paraissait différer de celles déjà connues.
On profita d’un instant de calme pour amener le petit canot;
quelques maîtres , l’élite de notre équipage, demandèrent la
faveur de le monter, et on les envoya tuer quelques-uns de ces
animaux, qui se trouvaient à peu de distance du navire.
L’espace dans lequel nous nous trouvions alors n’était pas très-
serré ; il y avait quelques canaux entre les glaçons, l’embarcation
y pénétra et fut bientôt rendue auprès des phoques. Le combat
commença, et ces pauvres animaux, surpris par une attaque inusitée
, ne répondirent que par de plaintifs gémissements et une
fuite trop tardive aux coups de massue qui terminèrent bientôt
leur agonie.
Emportés par l’ardeur delà chasse, nos matelots s’oublièi'ent
en augmentant le nombre de leurs victimes.
La corvette était sous les huniers, les voiles du grand mât
étaient masquées pour arrêter faire du navire ; la brise , qui s’éleva
plus fraîche sur ces cnlrefliites , fit dériver la Zé/ée malgré
tous nos efforts.
Nos chasseurs s’aperçurent, mais trop lard, que la corvette s’éloignait
; ils se hâtèrent d’embarquer le fruit de leur chasse, dont
ils laissèrent une partie à la traîne derrière fembarcation, et se
dirigèrent vers nous de toute la vitesse de leurs avirons ; mais, à
chaque instant, leur route était arrêtée par les sinuosités des canaux
que laissaient entre eux les glaçons. Bientôt ceux-ci, plus
serrés, les bloquèrent entièrement ; ne trouvant plus d’issue sur
f eau liquide, il leur fallut transporter et faire glisser le canot sur
feau glacée, jusqu’à ce qu’un espace plus dégagé permît de le
faire flotter. La corvette avait bien tracé une route en écartant çà
et là les obstacles, mais telle était la mobilité des glaces, que cette
route s’était déjà refermée.
Intrépides au milieu de cette position désastreuse , nos braves
matelots redoublèrent d’efforts ; nous suivions leurs mouvements
avec effroi. A deux ou trois encâblures du bord, quatre malheureux,
f élite de notre équipage, luttaient courageusement contre
la mort ; ancune manoeuvre ne pouvait les sauver. Nous avions
dépouillé la corvette de ses voiles ; mais le vent, quoique assez
faible, nous faisait dériver sur une ligne de glaces plus serrées que
le navire pouvait dépasser en quelques minutes , et qui, poui la
frêle embarcation, allait être une barrière infranchissable.
Ces malheureux, qui défendaient si noblement leur vie, allaient
sentir leurs forces trahir leur courage; et déposer d’aulres
hommes sur les glaces pour les aider, u’était-ce pas augmenter le
nombre des victimes?
Déjà plusieurs fois fembarcation était parvenue à près d’um'
encâblure de la corvette, mais toujours quelque nouvel obstacle
avait retardé sa marche et augmenté la distance qui la séparait du
navire entraîné lentement, mais d’une manière irrésistible.
Cependant, deux hommes fort robustes s’offrent à porter uu
faux-bras attaché au navire aussi loin qu’ils pourraient vers le
canot, pour qu’il se liâlat sur cette corde de salut.
Le commandant Jacquinot y consentit, et tous savaient que
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