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espèce de fourreau qui l’abrite contre les chocs des
grosses glaces, car c’est toujours l’objet de mes plus
vives appréhensions. Puis au moyen des deux grelins
élongés l’un devant, l’autre derrière, et en les manoeuvrant
à propos, nous réussissons assez bien à nous
préseiwer des chocs latéraux. Grâces à ces mesures,
nous passons la nuit suivante tranquillement et sans
accident.
Chacun à bord, et même les plus rassurés commençaient
à faire de sérieuses réflexions sur notre position
qui sans doute n ’était pas des plus brillantes;
mais dans le cas même où nous serions définitivement
pris dans les glaces, dès que le blocus serait bien décidé,
toute la question se réduirait, il est vrai, à attendre
désormais jusqu’au mois de janvier suivant.
Nous avions assez de vivres pour cela, mais il y avait
tout à craindre pour la santé des équipages. En outre,
la neige incessante ne finirait-elle pas par nous engloutir
sans que nous puissions nous en débarrasser,
et par former une croûte déglacé au-dessus de nous?
Enfin, au moment de la débâcle, si elle avait lieu
quand souffleraient des vents violents, quelle serait
alors notre ressource et comment nous tirer d’affaire
au milieu des glaces dont nous serions cernés? Cette
perspective sans doute pouvait bien faire naitre de
tristes pensées, mais je m’efforçais de les bannir et
d’espérer qu’une heureuse chance viendrait bientôt
nous délivrer *.
A cela près de quelques ophthalmies produites par
la blancheur perpétuelle et monotone de la neige et ^^évu er
des glaces, la santé de l’équipage était assez satisfaisante.
8,
Pour lui procurer un stimulant contre le froid
et l’humidité, j ’avais donné l’ordre à bord des deux
corvettes de distribuer, soir et matin, un punch aux
matelots, en sus de leurs rations ordinaires, et cela
tant que nous serions renfermés dans la banquise.
Toute la nuit, il avait venté avec force, la pluie était
restée continuelle, et les mugissements de la houle
sur le bord de la muraille nous annonçaient qu’au
large il avait dû régner un bien mauvais temps. A
sept heures du matin, comme j’examinais la plaine
glacée, elle me sembla un peu plus affaissée que la
veille, et les glaces moins serrées. Ce qui acheva de
me le prouver, c’est que la boule était sensible et les
secousses devenaient plus fréquentes le long du bord.
Pour occuper l’équipage et rétablir notre tirant
d’e a u , j ’employai nos matelots à démolir un glaçon
qui menaçait nos porte-haubans de bâbord, afin de
remplir nos pièces vides. Cinq doubles kilolitres fu- n.xxii.
reiit ainsi promptement remplis de glace. Je A'OuIus
ensuite nous hâler un peu de l’av an t, au moyen du
cabestan, pour éviter quelques glaçons qui nous battaient
rudement les flancs. La corvette ne bougea pas
d’un centimètre, malgré tous nos efforts, et il fallut
se borner à écarter les glaçons avec des espars, opération
fort difficile et qu’il fallait renouveler à chaque
instant.
Les pétrels de diverses espèces , surtout les géants.