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perdre plus d’un quart d’iieure ; quelques matelots poste's sur le
gaillard d’avant et le beaupré, repoussaient sur le côté ce glaçon
malencontreux. D’autres, descendus sur le glaçon, agissaient dans
le même but. Ceux-ci armés de pics , de pioches et de pinces à
mineurs écartaient la neige et attaquaient la roche de cristal.
Ceux-là préparaient dans le canal le plus voisin un petit bassin
pour recevoir le glaçon, d’autres enfin franchissaient les canaux,
s’enfonçant dans les crevasses jusqu’au ventre et cherchaient devant
nous un bloc assez fort pour y amarrer des faux-bras qui
servaient à haler la corvette et à la diriger. On ne saurait assez
louer le coui’age, la patience et l’intelligence que leséquipaggs des
deux corvettes ont déployés dans ces pénibles travaux. Il suffit de
dire que 60 hommes sont pai’venus à frayer une ornière de 2,000
mètres au milieu des glaces à des navires de plus de 3 oo tonneaux.
A midi, nous avions franchi plus de la moitié de la banquise,
on voyait distinctement la mer qui n’était embarrassée que de
quelques débris épars. L’espace qui nous restait encore à parcourir
semblait un peu plus libre. Les matelots ne s’aventuraient
plus sur les glaçons dans la crainte de ne pouvoir franchir les canaux.
Nous commencions à ressentir une longue houle du large,
signe cei’tain du voisinage de la pleine mer. L’espoir d’une
prompte délivrance fit oublier les fatigues passées pour tenter
de nouveaux efforts.
Pendant que nous exécutions une navigation si nouvelle pour
nous, plusieurs phoques furent aperçus rampant ou se vautrant
sur les glaçons. Nos chasseurs armés d’anspects , de couteaux et
de fusils, coururent à la chasse du phoque. Quelques-uns de ces
animaux furent assommés ou égorgés. Un seul fut traîné jusqu’à
bord. Il avait deux ou trois mètres de long, le poil blanc, tête de
hulldog, seize dents à chaque mâchoîi’e, dont deux grandes canines
à fleur de lis, deux grandes nageoires pectorales en forme
d’aileron à griffes, deux autres nageoires tout près de la queue
'ill!
NOTES. 263
qui est très-petite.Les autres phoques furent dépouillés surplace.
On enleva la peau, la tète et le foie qui est bon à manger.Le reste
fut la proie des pétrels géants ou des autres phoques qui ne se
firent pas un scrupule de dévorer leurs compagnons.
Tout allait bien jusque-là, mais la bi'ise s’élevant au N. N. O.
nous mit dans l’impossibilité d’avancer. La houle du large augmenta
peu à peu et souleva les gros glaçons dont les aspérités et
les chocs ne pouvaient qu’être très-nuisibles à la carène du navire.
Le temps assez sombre dans le nord offrit une mauvaise apparence.
Il fldlait prendre un parti. Le commandant ayant réuni
les officiers sur la dunette leur exposa la position critique dans
laquelle nous nous trouvions; les obstacles que la banquise nous
avait opposés dans la matinée étaient tels que nous ne pouvions
espérer de les surmonter, ayant en outre à lutter contre le vent et
la houle dunord. Et quand même nous y serions parvenus, il était
à craindre qu’au sortir de la banquise, nous en vinssions encore a
être aculés sur elle par le vent et la mer contraires. 11 fallait songer
avant la nuit à se mettre à couvert de la houle et du choc des
grosses glaces qui pouvaient nous cerner. Le commandant ouvrit
l’avis de rétrograder au travers de la banquise que nous
avions franchie dans la matinée et de chercher dans le bassin où
nous avions passé la nuit précédente un poste convenable, qui
nous permît d’attendre avec sécurité des chances plus favorables.
Malgré le vif regret que chacun éprouvait en abandonnant un
terrain si laborieusement conquis , tous les officiers se rangèrent
à l’opinion du commandant.
Alors, sans perdre de temps, on travailla à dinger l’avant du navire
vers le sud. Cette rotation qui dans une mer libre, s’extM
cute si aisément, nous donna des peines infimes. Ce n’est qua
l’aide des espars, des pioches , des pinces , des amarres , du cabestan
et des voiles qu’on parvint à mettre la corvette en voie de retraite.
Le vent soufflant de l’arrière facilita notre retour au milieu
de la plaine de glaces où nous creusâmes un sillon qui devait peut