distance, comme VAstrolabe, entourée de gros glaçons,
tonie blanchie par la neige qui la couvrait et
offrant iin aspect assez piteux.
Du reste, au milieu des champs de glace qui nous
cernaient, l’oeil, môme du haut des mâts, ne découvrait
aucune issue. Seulement dans la pai lle du nord,
aux bornes de l’îiorizon, un petit filet d’un bleu noirâtre
semblait faire soupçonner la présence d’une
mer libre ; c’était par là d’ailleurs que nous pouvions
le plus espérer de la reiicontrei'. En conséquence, à
quatre heures et demie, après avoir fait à la Zélée le
signal de mettre à la voile, iious-mémes nous retirons
le grelin encore amarré sur notre glaçon, et c’est le
cas de dire que ce glaçon avait été tellement maltraité
par les assauts qu’il avait subis dans la n u it, qu’à
peine avait-il conservé le quart de son volume primitif.
C’est un exemple des modifications surprenantes
que les glaces sont susceptibles d’éprouver
en certains cas dans un intervalle de temps assez
court.
Sur-le-champ, je mets le cap au N. et N. |N . 0.
sur une mer jonchée de glaçons longs, plats et couverts
d’une neige encore toute récente. Malgré notre
vigilance, nous ne pouvons nous empêcher d’en heurter
un bon nombre et nous n ’évitons les autres que
ric-à-rac. Un quart d’heure s’était à peine écoulé depuis
que nous étions en route, qu’il vint une brume si
épaisse que nous perdîmes entièrement de vue la
Zélée, nos coups de canon demeurèrent sans réponse
et je commençais de nouveau à redouter une séparan
m
lion, quand la brume ayant disparu, vers sept heures,
lions revîmes notre compagne derrière nous à un
demi-mille environ.
En ce moment nous approchions d’une zone où la
glace paraissait compacte, mais au-delà, c’est-à-dire
à un mille à peu près ( car telle était îa largeur de
cette bande), nous découvrîmes un vaste golfe où îa
mer bleue n ’offrait plus que quelques glaçons épars.
A cet aspect, nos sentiments furent ceux que doit
éprouver un oiseau devenu captif, qui découvre tout
à coup l’air libre au travers des barreaux de sa cage.
Partout ailleurs on ne voyait que des glaces, de ce
côté seulement était l’espérance. Prenant un parti
violent, mais l’unique à tenter, je résolus de forcer
cette barrière avec îa carène même de nos navires.
Des yeux cherchant donc un petit commencement
d’ouverture dans la glace, j ’y lançai la corvette avec
toute la vitesse que je pus lui donner. Faisant l’office
de bélier et fendant les glaces avec sa guibre, Y Astrolabe
avança encore de deux ou trois fois sa longueur,
puis demeura immobile. Alors il fallut user de toutes
nos ressources, des hommes descendus sur les glaces
portaient des amarres sur les gros glaçons, et ceux
qui se trouvaient à bord se hâlaient dessus pour
avancer péniblement, tandis que d’autres hommes
sur la glace tâchaient d’écarter, avec des pics, des
pinces et des pioches les morceaux qui auraient trop
gêné l’éperon de la corvette. C’était là un métier
fort rude, un travail bien fatigant. Mais nos marins
s’en acquittèrent avec un zèle, une activité et une
1838.
Février,
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