Noie 5 i , page 74.
Une belle journée avec du soleil, bien rare en ces contrées ,
nous a longtemps fait croire à une relâche prochaine , mais le
vent ayant tout d’un coup refusé, il a fallu courir loin des terres,
et pour aider le travail géographique, le commandant a fait suivre
la côte. Terre de deuil et de frimats, partout même aspect,
de longues et stériles montagnes couvertes de neige. Voilà les îles
Poxvell. D’énormes glaçons empêchent de distinguer les baies et
les caps de ces terres. Une très-grande quantité de baleines, beaucoup
de pingouins ou manchots nageant absolument comme des
poissons, en se servant de leurs bouts-d’ailes comme nageoires,
rôdent autour du bord. Eu abordant ces terres, on ne peut
manquer de remarquer les formes des îles de glaces flottantes généralement
si bizarres et si variées. Ici les falaises à pic dominent
généralement des arches taillées comme pour d’énormes
ponts flottants, et on a une idée des glaçons. Remarquons qu’à
la longue-vue, sur le bord de la mer, on aperçoit distinctement
des arches pareilles semblant donner essor à quelque torrent ;
la ressemblance des montagnes que l’on rencontre, avec celles
que l’on se figurerait comme elles devraient être si elles prenaient
naissance à terre, n’expliquerait-elle pas leur origine?....
(Af. Dumoulin.)
Noie 5 2 , page 74.
Le temps était alors magnifique, le soleil que nous n’avions
point vu depuis longtemps, bi’illait de tout son éclat. Nous étions
alors assez près de tei’re, et nous pouvions distinguer à quel pays
nous avions affaire. Quand on a passé un long temps à la mer,
l’approche de la terre, le cri seul de la vigie vous fannonçant,
vous réjouit et la vue vous transporte. Eh bien ! Ici c’est le contraire.
Je n’avais jamais rien vu qui approchât du bienheureux
groupe de Powell. Ce n’est point la joie qui vous prend, c’est
un saisissement et presque un sentiment de frayeur ou au moins
de répulsion. En effet, figui’ez-vous un groupe de montagnes
plus ou moins élevées, taillées à pic et descendant parfois à la mer
par une pente douce , le tout recouvert d’une grande couche de
neige, ne laissant à découvert que les pics les plus escarpés et
les côtes les plus roides , elle-même ne nous pi’ésentait que des
masses noirâtres et volcaniques ; le tout flanqué de glaçons
monstrueux qui leur servent de ceinture , et vous aurez les îles
Poxvell, demeure digne de ses habitants , pingouins et phoques ,
si toutefois les pêcheurs qui jadis fréquentaient ces parages en
ont laissé. Nous voyons cependant ces îles pendant leur été. Que
sera-ce donc pendant la mauvaise saison, mais j’espère ne
p as être à même de juger du plus d’horreur qu’elles auront
gagne.
(Zlf. Diu'och.)
Noie 53, page 74-
L’aspect de ces mornes tristes et déchirés , dont la majeure
partie est cachée par des neiges éternelles , est imposant et n’est
pas sans charmes. Aucune végétation apparente n’a fi’appé nos
regards ; nous n’avons pas même remarqué ces lichens d’un vert
éblouissant, ces plantes rampantes et touffues, mais qui tran-
cbenit si bien sur la blancheur des neiges, qu’on rencontre ordinairement
sur les sommets des Alpes ou des Cordillères. Il est
vrai que nous n’avons pas été assez heureux pour descendre à
terre , et voilà ce qui a désespéré singulièrement la géologie ainsi
que fhistoire naturelle, qui n’auraient pas manqué certainement
d’y faire une ample et curieuse récolte.
En voyant cette nature désolée , on se demande comment des
hommes ont pu y vivre pendant des mois entiers, pour y faire lu
; F
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