lequel ou portait une aussière. Il était curieux de voir l’cnipres-
sement de nos matelots à se rendre au-devant du veau marin qui
leur aurait donné de la viande fraîche. Mais après avoir longtemps
cherché à grimper sur la glace, il plongea au grand désappointement
de ses ennemis, en emportant avec lui une partie
de leur souper.
{M. Desgraz.)
Note 63, page 97.
Nous passâmes la nuit amarrés sur plusieurs glaçons ; les vents
de la partie du noixl, qui avaient régné depuis plusieurs Jours,
avaient brisé la banquise, et nous n’en trouvâmes pas le soir qui
offrît à lui seul assez de résistance.
Ces glaçons n’avaient pas une grande profondeur sous l’eau ,
car l’action du vent sur les agrès et le corps du navire les faisait
dériver assez vite , aussitôt que nous nous trouvions dans un en-
di’oit où les glaces ne couvraient pas entièrement la surface de
la mer.
L’aspect de la banquise , de minuit à quatre heures, changea
plusieurs fois, tantôt le navire restait assez longtemps appuyé sur
quelques glaçons plus serrés , puis peu à peu , se frayant une
route, il dérivait avec vitesse dans un espace où les glaces étaient
plus clairsemées.
La brume neigeuse qui nous entourait bornait à une encâblure
l’étendue de notre horizon , et forçait notre attention de se renfermer
dans ces bornes étroites ; les glaces étaient couvertes de
pétrels de neige que nous prîmes longtemps pour des chionis, et
que notre présence n’effrayait pas.
Ayant quatre heures de quart à employer, je m’armai d’un
fusil de chasse, et, placé sur la dunette, je leur envoyai quelques
charges de plomb; le champ de bataille fut bientôt couvert de
morts et de mourants : c’était une distraction assez barbare ,
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sans doute et qui fut sans utilité, car, quoique nous essayâmes
avec des gaffes de nous emparer de leurs dépouilles , nous ne
pûmes y parvenir.
Quelques matelots me demandèrent à amener un canot pour
profiter d’un canal qui s’étendait à quelque distance du navire ,
afin de recueillir les produits de la chasse. Désirant procurer à
l’histoire naturelle de nouvelles richesses , j’allais y consentir ; le
canot était amené à moitié , quand , jetant un coup d’oeil autour
de moi, je reconnus que la corvette allait s’engager dans un espace
où les glaces étaient serrées à se toucher; je fis lebisseï le
canot, et bientôt j’eus lieu de m’en féliciter , car j’acquis la certitude
que les deux malheureux qui voulaient aller à quelques
brasses du navire l’auraient vu pour la dernière fois. En effet ,
une brise plus fraîche nous fit, dans l’espace de deux minutes ,
perdre de vue, dans la brume, le glaçon où était tombée fumante
la bourre de nos fusils, et nous fûmes entraînés au milieu de glaçons
où la frêle embarcation n’eût pu pénétrer pour nous y reprendre.
Pendant le quart du matin , le temps s’éclabcât. Je pris quelques
heures d’un repos interrompu vingt fois par le choc des
glaçons qui ébranlaient tout le navire, dont les craquements semblaient
annoncer la prochaine destruction, et, lorsque je remontai
sur le pont, VAstrolabe, que nous avions perdue de vue pendant
la brume, était à un mille et demi environ sous le vent à
nous ; elle se trouvait engagée dans une banquise assez serrée,
qui s’étendait à toute vue dans le N. E., tandis que dans le nord
la mer paraissait plus libre.
Notre position, par rapport à la direction du vent, qui était
0. N. 0 ., nous eût peut-être permis de délivrer la corvette la
Zélée ; mais nous devions partager le sort de notre chef. Parus
ensemble de Toulon, nous devions y ramener saines et sauves les
deux nobles corvettes , ou nous ensevelir dans le même linceul.
Ces deux navires paraissaient se tenir par un ben invisible ; au