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à cause du vent et de la difficulté d ’approcher celles qui opposaient
assez de résistance pour nous arrêter un peu. A 7 heures
et d emie, nous étions tenus par un grelin à une de ces grosses
glaces, près d’une banquise compacte sur laquelle nous dérivâmes
très-vite malgré nous , et nous nous apprêtâmes ainsi à passer la
nuit dans ce singulier mouillage sans fond, si nouveau pour nous,
et qu’il fallait bien appeller ainsi, puisque la tactique, n’ayant pas
prévu le cas , n’avait pu fournir d’autre signal pour nous le faire
prendre que celui de mouiller. A dix heures, nous fûmes entraînés
en dérive, et saisîmes heureusement un autre glaçon sur
notre passage ; mais nous n’en fûmes pas moins portés dans l’est,
sur des champs de glace paquetés qui donnèrent d’assez fortes secousses
au gouvernail et à la corvette. Les craquements qui résultaient
du ragage continuel des flancs du navire avec ces glaces,
occasionnait un bruit fort inquiétant, surtout pour ceux qui voulaient
reposer en bas, et rendait tout sommeil impossible. N ous fûmes
à plusieui’s reprises, pendant la nuit, obligés d’abandonner nos
amarres, et de manoeuvrer pour éviter de gros glaçons de 3 à 6
mètres d’élévation, sur lesquels la dérive nous jetait, et qui
pouvaient nous faire des avaries. Notre petit canot, qui était
allé à bord de Y Astrolabe, ne rentra que fort tard, à cause des
glaces qui manquèrent de le séparer tout-à-fait de nous. La neige
ne cessa de tomber très-épaisse; le lendemain matin, tous les
agrès en étaient couverts , et nous en avions une couche de plus
de 4 décimètres sur le pont. Le froid était très-vif, et nos manoeuvres
, couvertes de g la ce, nécessitaient une force plus que triple
pour les faire mouvoir; mais la force des hommes, transis de froid,
était malheureusement en raison inverse. Notre pi’emière nuit
passée dans la banquise fut donc pénible et inquiétante.
{M. Dubouzet.)
Note 57, page 87.
Ce matin, nous nous félicitions de voir la mer si dégagée de
glaces qu’on n’en comptait plus que cinq ou six très-disséminées
et d’un petit volume; mais, vers dix heures, la vigie a signalé une
traînée de glaçons épars , e t , peu après , une nouvelle fde. Prenant
d’abord ces lignes sans consistance pour des débris d’une
banquise en démolition, nous continuâmes notre route à travers
ces faibles obstacles. Nous ne doutions plus que ce ne fût là le
champ de glace qui d o it, en hiver, souder les terres de Shetland
et de Powell avec les îles Sandwich, et q u e , cette barrière une
fois traversée , la grande route du pôle austral ne nous fut ouverte.
Cette douce illusion ne fut pas de longue durée. Les traînées
de glace s’épaissirent; on aperçut une ligne continue embrassant
l’horizon du sud à l’e s t , et se perdant dans la brume ,
aussi loin qu’on pouvait voir du haut des mâts.
A la vérité , les grands blocs qui servaient de contreforts à la
banquise des Powel n’existaient pas ici. La plaine de glaces que
nous avions devant nous paraissait toujours disloquée ; 1 on conserva
donc l’espoir de la franchir et de trouver la mer libre derrière
elle. D’après cela , l ’on vint peu à peu sur bâbord, au S. E.,
E. et E. N. E., pour choisir un passage dans la partie la moins
compacte. A midi, nous donnons hardiment dans cette chaîne de
glaces , choisissant les canaux les plus libres , et manoeuvrant
pour éviter les grosses masses. Mais la brise du nord devint très-
fraîche, et il tomba beaucoup de neige. Après avoir franchi rapidement
les premières barrières , nous en rencontrâmes dont
l’épaisseur allait toujours croissant. 11 devint très-difficile de naviguer
dans ces canaux étroits et sinueux. On abordait fréquemment
de gros blocs qui nous causaient de violentes secousses : la
mâture en tremblait quelquefois. L’éperon de bronze qui armait
i’étrave de la coryeUe parvenait à broyer ou à diviser les glaces
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