1838.
Janvier.
29.
culbute n’aura donc lieu qu’après de nouveaux efforts.
Malgré les ennuis de notre navigation actuelle, je
vois avec satisfaction que tout le monde est aguerri
contre ses dégoûts. Les matelots daignent à peine
faire attention aux glaces ; les vigies préviennent à
temps pour nous précautionner contre un abordage
imprévu, et MM. les officiers savent très-bien manoeuvrer
pour les éviter. Il en résulte que je puis moi-
même reposer de temps en temps et me relâcher de
la surveillance continuelle obligée dans les premiers
jours, mais à laquelle je n ’aurais pas pu résister longtemps.
Aujourd’hui mes souffrances ont un peu diminué
et j ’espère être bientôt remis.
Grâces aux précautions prises durant la nuit, tout
en courant nos bordées au travers d’une quarantaine
de grosses glaces qui nous serrent d’assez près,
à six heures du matin nous ne sommes guères qu’à
ti'ois lieues et même au vent du mouillage souhaité.
Encouragé par l’aspect du temps, de la mer, et gratifié
d’une jolie brise de l’e s t, je mets le cap sur l’île
Saddle. Pour éviter le désagrément de la veille, mon
intention est de donner d’abord dans le détroit de
Washington pour revenir par le sud dans le détroit
de Lewthwaite, afin de chercher le hâvre Spence.
J’espère d’ailleurs qu’en cas d’insuccès, ringénieur
pourra du moins profiter de cette chance en faveur
de l’hydrographie.
Dès huit heures, la brise a varié à FE. S. E. et peu
après au S. E. Je suis tombé même sous le vent du
détroit de Lewthwaite. Forcé de renoncer de nouveau
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au mouillage, je résolus du moins de suivre d’assez
près la côte pour que M. Dumoulin pût en tracer le
relevé avec exactitude.
Le temps resta beau et nous fûmes récréés par la
vue de plusieurs baleines à bosse ou hiimp-back, de
bandes nombreuses de damiers et de pingouins. Ceux-
ci nous amusaient surtout par l’admirable rapidité de
leurs manoeuvres. Autant leur démarche à terre est
grotesque, difficile et embarrassée, autant, une fois
dans l’eau, ils développent de souplesse et d’agilité.
C’est surtout en nageant entre deux eaux qu’ils surpassent
les autres volatiles; c’est à tel point que nous
y fûmes tous pris et moi le premier, bien que j ’en
eusse souvent vu dans mes précédents voyages ; car
nous les prîmes, au premier abord, pour des bonites,
tant leur sillage était rapide et tant leurs ailes,
ou plutôt leurs moignons d’ailes, remplissaient bien
l’office de véritables nageoires.
Rien n ’était plaisant comme de les voir a la suite
d’une course sous l’e a ii, surgir tout à coup à sa
surface, secouer brusquement leur tê te , puis nous
considérer d’un air ébahi et pousser leur cri baroque.
Nos matelots les imitèrent et l’on eût dit que
le brave pingouin se plaisait à continuer la conversation
jusqu’au moment où l’envie lui reprenait de
faire un nouveau plongeon pour venir ensuite continuer
sa partie. Ce pauvre animal, si dénué de défense
à terre, est presque inattaquable à l’eau. Il est
fort difficile à aUeindre et le plus gros plomb glisse
sur sa fourrure épaisse.
18.38.
Janvier.