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À :
1838.
7 Mars.
166 VOYAGE
qui arriva ; dès minuit le vent sauta au sud , puis au
S.S.O. soufflant avec la même rage.
Je ne pouvais plus songer a repasser au vent de Déception,
et j ’avais tout lieu de craindre de ne pouvoir
doubler les nombreux dangers qui s’étendent au large
de Snow. Dans cette triste alternative, je crus devoir
poursuivre ma bordée. Vers une h eu re , on m’annonça
que la Zélée avait cessé d’être en vue depuis
onze heures. Je commandai la panne; à une heure
vingt minutes, notre conserve reparut et nous reprîmes
notre bordée. Le reste de la nuit s’écoula ainsi.
A onze heures du matin, on vient m’annoncer que
la terre se montre de l’avant à tribord et à bâbord ; je
pense que ce sont les îles Snow et Smith, et je donne
ordre de gouverner, autant que possible, pour suivre
le milieu du canaL
L’offlcier de quart me demande, une demi-heure
après, à faire prendre le troisième ris des huniers, attendu
que le vent fraîchit beaucoup, et j ’y consens.
Puis un instant après il m’envoie dire que nous doublons
à peine les terres de dessous le vent.
Des douleurs assez poignantes m’avaient retenu au
lit, contre mon habitude; mais à cette annonce, je me
traînai aussi vite que je le pus sur le pont.
Un regard rapide jeté sur toute la partie de dessous
le vent suffit en effet pour me convaincre qu’il était
tout-à-fait impossible de doubler les terribles rochers
sur lesquels nous dérivions à vue d’oeil. J’avais donné
1 ordre de virer lof pour lof, et il était presque aussi
douteux que nous pussions repasser au vent d’autres
'Y:
AU POLE SUD. 167
roches que nous avions laissées derrière nous. Mais un
second coup d’oeil jeté dans la partie du v en t, mt*
persuada que nous pouvions venir de. près de deux
quarts dans le vent avec une voilure plus considérable.
Nos marins étaient alors occupés à prendre le
bas r is , je donnai soudain l’ordre de larguer au contraire
un des deux ris déjà pris, d’amurer les basses
voiles, et d’établir la brigantine et le grand foc. L’équipage
, électrisé par la vue d’un danger imminent,
exécuta cette manoeuvre avec une merveilleuse célérité.
Dès-lors, notre solide corvette se rangea lestement
au vent, s’élança avec légéreté au-dessus des
vagues, et fila jusqu’à sept et huit noeuds au plus près,
au lieu de tanguer lourdement et de dériver comme
elle le faisait auparavant. Il est vrai que le navire
s’inclinait souvent d’une manière prodigieuse et que
la mâture offrait un arc effrayant, menaçant parfois
de descendre à bas avec son fardeau de toiles. Mais
c’était une de ces circonstances impérieuses où, laissant
de côté les soins ordinaires de la prudence, un
capitaine doit avoir recours aux moyens extrêmes.
Cette manoeuvre hardie me réussit, nous doublâmes,
à deux ou trois câbles au vent, les flancs noirâtres et
escarpés du rocher le plus avancé dans l’ouest ; puis
nous vîmes, avec un soulagement de coeur inexprimable,
fuir rapidement au N. E. la chaîne des écueils
qui entoure l’île Snow.
Ainsi se termina la dernière des alarmes que nous
eûmes à subir dans cette navigation vers lepóle. Elle
fut courle, il est vrai, mais bien chaude, et il y avait
1838. M b rs.