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1838.
Janvier.
11.
Dégoûté par ces contrariétés, jaloux de poursuivre
ma ro u te , considérant d’ailleurs que notre travail
sur la bande orientale de la Terre de Feu se trouvait
complété au cap Diego , et qu’enfin de nouveaux
efforts n’aboutiraient qu’à fatiguer les équipages sans
résultats utiles, attendu que la brume venait de nous
ravir la vue des côtes ; à six heures quinze minutes,
je pris tout uniment le parti de laisser porter au N. E.
pour doubler la terre des États par le nord.
Quelque temps après, dans une éclaircie, nous
pûmes contempler tout à notre aise les terres si bizarrement
déchiquetées de l’île des États qui semblent
avoir conservé les formes fantastiques du chaos
primordial, riidis indigestaque moles. A droite , se
développaient les lignes plus doucement accidentées
du cap Diego, qui se relevaient plus au sud en
mornes arrondis dont les arêtes surgissaient en pente
rapide du sein de la mer. Parmi ces mornes, on remarquait
surtout le cap de Bon Succès et le faux
cap du même nom.
Une brise très-faible du S. E. nous poussa doucement
jusqu’à dix heures, puis nous laissa en calme
une grande partie de la nuit. La température est
très-modérée; le thermomètre se maintient à 8 et 10"
et le baromètre près de 0,750.
Après avoir varié en divers sens, la brise semble
se fixer à l’ouest vers trois heures et nous fait filer de
quatre à cinq noeuds vers l’est. Mais elle mollit bientôt
et laisse tomber une petite pluie fine. 11 en résulte
que la terre des États est enveloppée d’une brume
épaisse qui nous en dérobe entièrement l’aspect, malgré
notre proximité. Un moment vers six heures
douze minutes, nous croyons entrevoir le cap Sant-
Antonio, au S. 12" E. mais ce ne fut qu’à dix heures
que, le ciel s’étant éclairci, nous pûmes voir toutes
les terres. En ce moment, nous prolongions à deux
milles au plus la bande septentrionale de l’île New-
Year, îlot plat, découvert, mais tapissé d’une petite
végétation verdoyante dans les ravines. Nous pouvions
aussi distinguer les entrées très-resserrées des
havres de Cook et du port Saint-Jean. Près du premier
, la masse entière de l’île semblait partagée en
deux parties par un canal é tro it, mais qui n ’est réellement
qu’un isthme bas très-étranglé.
En contemplant ces rochers arides et dépouillés,
ces mornes âpres et presque inaccessibles, chacun
de nous se félicita de ce que les circonstances nous
eussent permis d’échanger les bords fertiles et ombragés
du détroit de Magellan contre ces tristes et
stériles plages. Malgré tous nos efforts, il nous eût
été impossible d’atteindre à des résultats aussi fructueux
pour la science ; en outre, nous n’eussions pas
trouvé à la terre des États les ressources alimentaires
que nous avaient offertes les plages magellaniqiies *.
Cette fois, la marée favorable que nous avions vainement
attendue la veille, vint nous prendre et nous
poussa rapidement vers l’est, à raison de trois à quatre
noeuds environ, si bien qu’en dépit de la faiblesse du
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