1838.
Février.
11. XIX.
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96 VOYytGE
près de moi, n ’eût eu le temps et la présence d’esprit
de me retenir par la manche de mon paletot.
Nos corvettes venaient de parcourir ainsi près de
douze ou quinze milles inutilement, semblables à
deux cerfs poursuivis de près par des chiens de
chasse au travers d’un bois entouré de palissades et
cherchant en vain une issue pour s’échapper. Partout
l’aiTreiise barrière nous avait offert des murailles de
glace, je perdais à peu près courage, quand vers six
heures et demie, M. Roquemaurel, perché dans les
haubans du petit mât de h u n e , pour m’avertir à
l’avance de l’approche des glaces, me bêla qu’il découvrait
un passage dans l’E. N. E. Déjà tant de fois
déçu, j ’ajoutai peu de foi à cette heureuse nouvelle;
cependant je virai lof pour lof et mis le cap dans la
direction indiquée ; nous courûmes ainsi environ
quatre milles ; à mesure que nous avancions, nous
voyions sur l'espace regardé comme lib re, les glaces
surgir, s’élever et se resserrer peu à peu, et nous nous
trouvâmes enfin enveloppés de toutes parts par de
larges glaçons plats, très-rapprocbés et recouverts par
une couche épaisse de la neige qui n ’avait cessé de
tomber en abondance depuis trois heures, ce qui finit
par réduire notre horizon à deux ou trois cents mètres
de rayon.
A sept heures et demie, voyant le temps fraîchir au
N. N. 0 . la neige tomber par flocons et la houle déjà
assez dure, et convaincu de l’inutilité de nos efforts,
je résolus d’y mettre iin terme pour la journée. Une
amarre fut portée sur une grande glace située près de
nous, la Zélée en fit de même à deux encâblures
de l’arrière, et nous restâmes à la merci des éléments
*.
Bientôt la triste musique de la nuit passée recommence
de plus belle. Les chocs, les frottements et les
secousses sont si violents et si réitérés qu’il semble
que la corvette ne pourra point tenir jusqu’au jour.
En tout cas, il est difficile de croire que nos navires
puissent longtemps résister à de pareilles épreuves.
Je commence à ressentir de vives inquiétudes sur
notre sort. La crainte de la mort me touche p e u ,
mais je suis tourmenté par la triste perspective de
voir les deux équipages confiés à mes soins, obligés
de chercher un asile précaire sur les glaçons qm nous
entourent et réduits à y attendre, dans toutes les
horreurs du désespoir, la fin de leur déplorable existence.
Heureusement, par eifet de leur confiance, ou
de leur ignorance, tous, presque sans exception, paraissent
insouciants sur leur position, et tous dorment
du sommeil le plus paisible.
Je ne pus réussir à fermer les yeux un seul instant,
et je montai plusieurs fois dans la nuit sur le pont
pour interroger le ciel et l’état des glaces. La nuit
était sombre et je ne pus rien voir de rassurant. Seulement
à trois heures du matin, le jour commençant
à se faire, je pus reconnaître qii’entourés de larges
glaçons, nous avions à peine la place d’évoluer. La
Zélée, au contraire , étant tombée sans doute sui un
1838.
Féviier.
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Notes 63, 64j 65, 66, 6j e t68.