Î838.
Mars.
' m
i mi
cap Roquemaurel et les nombreux îlots disséminés en
face des côtes. Droit devant nous, s’élevait le haut
piton du mont D’Urville, que les effets même de la
neige et de la brume nous faisaient paraître colossal,
en exagérant singulièrement sa distance, qui n ’était
pas de plus de trois ou quatre lieues. Un peu à droite
se montrait une coupée très-remarquable dans le littoral,
qui semblait annoncer une baie bien apparente
dans la glace même. C’était là que je voulais me diriger
dans l’espoir d’y jeter un pied d’ancre.
Nous n ’étions plus qu’à cinq milles de son ouverture
vers cinq heures du soir : la brise passa d’abord
au su d , puis tombant tout-à-fait, nous laissa en
calme jusqu’à neuf heures ; pendant tout ce temps ,
nous dûmes nous contenter du spectacle imposant
que nous avions sous les yeux. Les immenses glaciers
qui pour nous formaient la moitié de l’horizon, se
terminaient presque toujours à la mer par des falaises
de glaces hautes et inaccessibles, et leur blancheur
monotone n ’était rompue que par la teinte noire de
quelques promontoires escarpés que la neige avait
abandonnés. Presque tous les îlots étaient aussi découverts
et la plupart offraient les formes de petits
cônes assez réguliers. Nous crûmes entrevoir la terre
jusque dansl’O. S. 0. à trente ou trente-six milles de
distance , et là elle devait être bien près de la terre
Trinity des cartes.
Nous entendîmes à diverses reprises de longues et
sourdes détonations qui ressemblaient beaucoup aux
décharges lointaines d’une grosse artillerie. Nous a t-
'T ¡lël :
AU POLE SUD. 157
tribuâmes naturellement ces bruits aux grandes avalanches
de glaces que le dégel en pleine activité
pouvait occasionner sur différents points de la côte *.
Le v en t, qui soufflait doucement du S. 0 . ne nous
permettait pas de passer entre l’île Astrolabe et la
grande terre : je serrai le vent bâbord amures , repassai
sous le vent de l’île à moins d’un demi-mille
de sa côte, et continuai toute la nuit le même bord en
faisant très-peu de voiles.
A cinq heures du matin, nous avons pris tribord
amures avec une jolie brise de l’O. et de FO. S. 0.
qui nous fait filer quatre ou cinq noeuds. Un moment
nous avons cm voir les hautes terres de l’île Middle
dans le S. 82“ 0. Nous eûmes aussi le soupçon d’une
haute île devant nous à toute distance. Mais la maudite
brume vint de nouveau nous envelopper, et nous
cacher la vue de toutes les terres, même de l’île
Astrolabe, dont nous ne repassions pas à plus de cinq
milles au vent. Le plus souvent nous fûmes obligés de
naviguer en aveugles, trop heureux de pouvoir éviter
à temps les glaces qui se trouvaient sur notre route.
Seulement dans les rares moments où le voile de
brame est moins épais, nous pouvons suivre la direction
de la terre qui se présente comme une masse
informe et confuse dans le S. E. Nous voyons une
pointe assez bien marquée ; au-delà, la côte fuit an sud
et disparaît; puis vient un large espace où la mer doit
être lib re , et plus à droite encore au S. 0. une autre
i : H"
!8:î8.
Mars.
3.