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Note 60 , page 87.
Notre position n’est nullement agréable. A force d’aborder des
glaçons nous finirons par nous faire quelque voie d’eau. Ensuite,
notre gouvernail, quand nous sommes amarés , court de
grands risques. Enfin, à force de tourner et de chercher un passage
, nous ne savons plus par où nous sommes entrés. Faut-il
aller au sud , à l’ouest , au nord? Personne n’en sait rien. Du
haut de la mâture , oft aperçoit des glaces à perte de vue. Ces
vents de N. O. qui régnent depuis trois jours ont accumulé tous
les glaçons épars, et cela nous enferme de plus en plus , de sorte
qu’il y a de grandes chances pour que notre entrée n’existe plus.
En trouverons-nous une autre? Cela devient pittoresque.
(Af. La Fargo A)
Note 6 1 , page 87.
Depuis que nous sommes dans les glaces, nous avons prolongé
des banquises compactes où il était impossible de pénétrer. Que
nous reste-t-il à faire pour avoir exécuté tout ce qu’il est au
pouvoir de l’homme d’essayer, de pénétrer au milieu de ces débris.
Peut-être quelques lieues plus loin, le chemin sei'a-t-il
plus libre? Si nous ne réussissons pas , du moins on ne pourra
nous reprocher le peu de succès de notre pointe au sud. A dix
heures et demie , nous donnons dans un passage obstrué de glaçons
à se toucher. A nous l’honneur du premier abordage. Pendant
une heure je parvins à éviter tous les glaçons qui se présentaient,
mais comme ils devenaient plus serrés, les mouvements de
rotation du bâtiment n’étaient plus assez rapides : puis nous
avions trop d’aire, nous fûmes obligés de nous frayer un passage
avec le bâtiment qui reçut un choc assez violent. Sa vitesse se
ralentit, puis reprenant sa course, il écarta à tribord et baboi’d
les débris que son choc avait produits. On peut dire avec raison
qu’il n’y a que le premier pas qui coûte, car les abordages deviennent
de plus en plus fréquents. Dernière nous l’horizon est
de glace et devant nous les glaces se resserrent et les espaces libres
sont de plus en plus rares. \2Astrolabe ne nous paraît pas plus
heureuse que nous à éviter les abordages. Nous voyons sa scie à
glace passer le long du bord sur un glaçon dont le choc l’a détachée
de l’étrave ; la nôtre est presque arrachée et ne tient plus
que par un seul boulon qui casse bientôt. Nous avons autour de
nous beaucoup de pétrels de neige, des phoques sont étendus
cà et là sur les glaces ; quelques-uns lèvent la tête, quand nous
passons près d’eux, nous regardent avec étonnement, aucun ne
prend la fuite et nous ne sommes pas encore assez habitués à
cette navigation de banquise , pour songer à les troubler dans
leur quiétude. Il est presque impossible d’apercevoir la route
que nous faisons au milieu des tours et détours que nous traçons
pour choisir notre passage. A cinq heures et demie, nous
nous trouvons dans un espace plus libre d’environ un demi-mille,
nous y courons un grand nombre de bords. Depuis quelques
heures, la neige tombe à flocons, le temps est obscur ; M. d’Urville
prend de suite son parti et signale de s’amarrer sur un glaçon
en dérive. Il joint l’exemple à l’ordre et vient carguer et serrer
ses voiles sur un beau glaçon qui offre de la masse et du pied
dans l’eau. Nous l’imitons, mais nous sommes moins audacieux
et moins heureux. Le premier que nous choisissons est trop petit
et se brise, nous sommes forcés d’en prendre plusieurs sur
lesquels la dérive nous poi’te, et nous finissons par être amarrés
aussi bien que possible. Nous étions alors à un mille dans l’ouest
de VAstrolabe.
Je fus envoyé avec un homme dans le petit canot à bord de
Y Astrolabe ,'ç\'onàxe les instructions et les ordres de M. d’Urville.
Jacquinot le chirurgien m’accompagna. Nous prîmes nos fusils
et tuâmes sur la route beaucoup de pétrels de divers espèces.
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