j;
Le docteur me fît part que l’état du nommé Lépreux était toujours
le même et qu’une douzaine de matelots commençaient également
à pi’ésenter les symptômes du scorbut. Il devenait à désirer
que nous terminassions bientôt cette rude exploration,
et le temps était venu de nous éloigner de l’atmosphère froide et
humide dans laquelle nous vivions depuis plus de deux mois. Le
repos commençait à devenir nécessaire pour tout le monde, depuis
bientôt six mois que nous tenions constamment la mer. Afin
de ne pas effrayer les hommes, il fut convenu que le médecin ne
prononcerait pas le nom de scorbut et attribuerait leur malaise à
toute autre cause.
[M. Jacquinot.)
Note 128 , page 161 .
La houle étant toujours Aussi forte sans vent, et le temps pluvieux,
nous ne pûmes donc ni nous approcher, ni nous éloigner
de la côte. Nous passâmes ainsi toute la journée dans l’inquiétude,
surtout pour la nuit, qui s’annonçait très-obscure; car
nous avions à redouter le double danger de tomber inopinément
sur la côte ou sur les îles de glace. Notre inquiétude était bien
fondée; car â dix heures, nous tombâmes, entraînés par le calme
et par la houle, au milieu de l’obscuiité et d’une pluie très-forte,
sur une île de glace d’au moins trente mètres de hauteur, si près
d’elle qu’on ne voyait pas la mer entre elle et nous , et que nous
crûmes, pendant quelques instants, être à notre dernière heure ;
le ressac nous tint éloignés assez longtemps pour qu’une bouffée
NOTES. 337
de vent vint à pi’opos enfler nos voiles qui étaient déventées par
elle, et nous éloigner. U Astrolabe l’avait rangée de très-près,
sans la voir; nous l’avions déjà dépassée , lorsque le calme et la
houle nous avaient jetés sur elle. Nous fûmes pendant quelque
temps près de cette glace, dans une position on ne peut plus critique
; car le naufrage était imminent, et sur un pareil glaçon
dans l’obscurité de la nuit, je ne sais si l’assistance qu’aurait pu
nous porter XAstrolabe fût arrivée assez vite, tant la grosse mer
qui nous avait jetés sur cette glace nous eût démolis en peu de
temps.
{M. Dubouzet.)
Note 129, page 161 .
Au jour, on fait route au S. E. et S.S.O. pour rallier la terre ;
mais la houle et les courants nous rejettent dans l’est et nous permettent
peu de progrès. Le soir, on aperçoit de l’avant trois gros
rochers noirs et élevés, avec plusieurs îlots appartenant au groupe
de la Trinité. On reconnut encore le golfe et le détroit séparant
la terre de Louis-Philippe de celle de la Trinité.Toutes ces terres
appartiennent peut-être à un grand archipel, et peut-être même
sont la partie avancée d’un véritable continent austral. Mais la
saison est déjà trop avancée, les jours trop courts et le temps trop
incertain pour nous aventurer dans le canal qui contourne peut-
être les terres nouvelles.
Le soir, on prend la bordée du large. La nuit est sombre et pluvieuse.
La houle et les courants nous entraînent sur une grosse
île de glace dont on entend les brisants avant d’avoir pu rien
apercevoir. On ne parvient à l’éviter qu’en passant dans 1 écume
de ces brisants.
( M. Roquemaurel. )
i