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1838.
Janvier.
26.
64 VOYAGE
Nonobstant la brume et même quelques grains de
neige, je continuai à faire route tout doucement le
reste du jour et même dans la nuit. M. Marescot,
croyant pouvoir doubler au vent une glace assez
haute, faillit tomber dessus. Je réitérai très-positivement
l’ordre que j’avais déjà donné aux officiers de
quart de ne jamais passer au vent d’une glace, a
moins que sa distance ne laissât pas le moindre doute
sur le succès de la manoeuvre.
A deux heures et demie du matin, on revoit en entier
la banquise qui se remontre par tribord, et se dirigeant
toujours du nord au sud; une jolie brise de N.E.
nous permet de la suivre avec constance. Ses bords
sont battus et disloqués par une forte lame d’ouest,
mais l’intérieur est toujours solide. Bientôt notre position
se complique singulièrement; une seconde
banquise se montre par bâbord sous le vent : durant
quelque temps j’essaie de la doubler en la prolongeant
à quelques encâblures; mais enfin il vient un moment
où elle nous barre complètement la route, et nous
sommes désormais réduits à courir de courtes bordées
entre deux banquises fort rapprochées, et
au milieu de glaçons innombrables. La p lu p a rt,
il est vrai, ne sont guère plus gros que la corvette,
mais ils suffiraient pour nous occasionner de graves
avaries, si nous venions à les heurter. A midi, nous
en comptions plus de cent autour de nous. Au milieu
de ce dangereux labyrinthe, je redoutais une brume
soudaine qui nous eût forcés à rester immobiles à la
merci de ces tristes blocs, car il eût bien fallu l’enonr
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cer à manoeuvrer dans un pareil cas. Heureusement,
à cela près de quelques grains de neige peu prolongés,
le temps resta clair, et une jolie brise de l’est à
l’E. N. E. nous tint fidèle compagnie. D’ailleurs, vers
deux heures les deux banquises qui menaçaient jusqu’alors
de nous bloquer, s’éloignèrent de chaque côté
et nous livrèrent un passage vers le nord ; nous
n ’eûmes plus à nous garer que des montagnes flottantes,
sans souci désormais de murailles compactes.
Bientôt je laissai porter au N. | N. 0 ., N. N. 0 . et
même N. 0. ^N. filant quatre ou cinq noeuds. Enfin,
à cinq heures et à ma très-grande joie, au travers
d’une atmosphère embrumée, je distinguai clairement
les âpres sommets des îles Orkney droit devant nous
et à trente milles de distance environ. Dès-lors, augmentant
de voiles, j’élevai notre route jusqu’à sept
noeuds, afin de les rallier avant la nuit. A mesure que
nous en approchons, nous observons que le nombre
des menus glaçons diminue sensiblement, mais les
montagnes prennent des dimensions bien plus fortes,
tant en grosseur qu’en hauteur.
Quand nous ne fûmes plus qu’à deux ou trois lieues
de terre, nous observâmes des blocs vraiment merveilleux
par leur forme et leur étendue ; l’un d’eux,
que nous laissâmes à une lieue environ sous le vent,
semblait un immense clocher de 76 mètres de hauteur;
un autre dont nous ne passâmes guère qu’à un
demi-mille sons le v en t, ressemblait d’abord à une
vaste citadelle arrondie, à pans parfaitement verticaux
et polis comme une glace ; mais quand nous fû-
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