la crainte que cette proie ne lui échappât, il s’est hâté
d’en prendre possession. Confiant dans sa force et
dans sa puissance, il n’a pas craint de proclamer
cette prise de possession à la face des autres nations
maritimes, q u i, trop insouciantes de tout ce
qui se passe au dehors de leurs frontières, n’élèveront
que de faibles réclamations. Avant peu, tous les
pavillons se verront bannis de ces ports devenus anglais
, et alors, toutes les puissances jalouses de leur
indépendance maritime, se repentiront, mais trop
tard, d’une apathie et d’une indifférence que l’Angleterre
sait si bien exploiter , pour étendre partout
son système d’envahissement : « Mais si la jalousie
« naturelle des autres nations, dit M. Dubouzet, a
« quelque raison de s’offenser de cette extension per-
« manente de l’Angleterre, elles doivent au moins
« lui rendre justice et reconnaître combien, par son
« industrie seule, elle a opéré de merveilles dans les
«pays où personne n’osait aller ; combien ces entre-
« prenants capitalistes ont secondé et devancé le gou-
« vernement dans des entreprises où le succès devait
« un jour assurer l’agrandissement de la puissance,
« du commerce et de la richesse nationale. Nous,
« Français, ajoute M. Dubouzet, qui sommes disposés
« à nous en plaindre, rejetons les torts sur nous-
« mêmes, et lâchons, sous ce rapport, d’imiter
« les Anglais, au lieu d’accuser ceux qui nous gou-
<( vcrnent ; car ils sont toujours impuissants pour’
« exécuter tout ce qui n’est pas entièrement conforme
« â l’csprit et aux idées dominantes de notre nation. »
Nous ne devions plus passer qu’une journée au
mouillage; l’abbé Petit nous invita à dîner pour
nous faire ses adieux; mais, constamment tourmenté
par 1a goutte et par des coliques violentes, je dus
refuser tout engagement, et j’employai cette journée
à faire une longue course sur les bords du Wai-
TanguiAonze heures, je m’embarquai dans ma b a leinière
; le capitaine Jacquinot ne pouvant pas m’accompagner,
je me dirigeai seul vers l’habitation du
résident Busby. J’y fus reçu par un anglais nommé
Flint, à qui M. Busby avait laissé, pendant son absence,
la charge de sa propriété; je ¡profilai de cette
rencontre pour demander la route qui conduit à îa
cascade de Wai-Tangiii, et que je croyais être très-
près ; aux réponses qui me furent faites, je m’aperçus
bientêt que j’étais dans l’erreur, et que j’avais confondu
îa position de la cascade avec celle du village
qui porte le même nom. Mais comme je n’avais d’autre
but que celui de me promener, je m’arrêtai là, et
j ’allai errer sur la plage, en cherchant quelques coquillages.
Je rencontrai, â quelques pas, une misérable cabane
abandonnée, et ensuite le village de Wai-ïan-
gui, entouré, commecelui de Korora-Beka, d’une enceinte
palissadée. De vives douleurs et une faiblesse
générale me forcèrent alors à regagner promptement
moncanot; j’y retrouvai M. Flint, qui voulut, avec cordialité,
me faire les bomieurs de sarésideuce. En parcourant
la propriété de M. Busby, j’aperçus un tieil-
îage, sur lequel s’enroulaient plusieurs ceps de vigne
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