Qu’arrive-l-il de là? C’esl que quand la pêche
est mauvaise, il déserte à l’étranger, y prend du service,
ou ne parvient à se rapatrier que fort longtemps
après. Si, an contraire, toutes les conditions ont été
favorables, si la durée de la campagne a été b r èv e ,
si la pêche a été bonne, il peut lui revenir de 6 à
700 francs; ce n'est point là un salaire suffisant,
d’autant plus que l’armateur réalise des bénéfices considérables.
Comme je l’ai dit plus haut, sauf quelques
matelots indispensables pour îa manoeuvre du navire,
l’équipage ne se compose que de gens de sac et de
corde , incapables du moindre ouvrage de matelotage,
machines vivantes destinées à manier l’aviron toute
leur vie. Le matelot, lui, le véritable homme de mer,
trouve partout ailleurs une navigation plus douce et
mieux rétribuée. Le but du gouvernement, en encourageant
la pêche par d’aussi fortes primes, était
d’établir une bonne pépinière de matelots; ce but
est entièrement faussé : pour l’atteindre, il eût fallu
que les armateurs fussent obligés de traiter leurs
hommes, sinon au cours delà place, du moins aussi
avantageusement qu’ils le sont à la paye inférieure
du service.
Pour le capitaine et les officiers, le traitement est
suffisant : le premier peut, au bout d’une bonne
campagne, réaliser de 10 à 12,000 francs de bénéfices;
mais encore une fois, le matelot est indignement
traité. Aussi, ces bâtiments ne sont-ils généralement
armés que par des équipages de vauriens,
dont la plupart, à bord des bâtiments de guerre, ne
seraient bons qu’à aller grossir les rangs des compagnies
de discipline. H y a à Hobart-Town plus
de soixante de ces matelots déserteurs.
Un de ces bâtiments est complètement désarmé.
Ces hommes se plaignent amèrement de leur capitaine,
qui, à les entendre, leur donne des vivres détestables
et en quantité tout à fait insuffisante. Sur
ces treize navires, deux ont fait une peche fructueuse,
trois ou quatre ont environ le tiers de leur chargement,
les autres n’ont pas un baril d’huile à bord,
et tous ont au moins un an de mer. L’un d eux , la
Nancy, est arrivé ici avec son mât de misaine cassé.
M. Degraves lui en a fourni un autre ; c’est une magnifique
pièce de bois, mais qui me parait lourde et
peu ployante.
A mon retour de Richmond, je retrouvai nos
hommes pour la plupart en pleine convalescence;
quelques malheureux étaient encore bien mal, mais
ils se remettaient petit à petit, et désormais nous
avions bon espoir de les voir revenir tous à bord des
corvettes.
Avant mon départ, j’avais reçu la visite de
M. Lamprière, intendant militaire, et de M. le capitaine
Boolh, commandant l’établissement pénal de
Port-Arthur; tous deux m’avaient engagé vivement
à aller les voir, mais, encore très-faible, je redoutais
une rechute, et pour tout au monde je n aurais
voulu leur donner l’embarras de soigner un
malade.
Mais désormais je me sentais de lorce à entreprendre
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