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lion ëiail située juste à l’endroit où se terminaient les
travaux. Là encore , bonne et généreuse hospitalité.
Après dîner, je pris congé de M. Breton, que je devais
retrouver à Hobart-ïown quelques jours plus tard.
Il me restait encore 2 ou 3 milles à parcourir pour
rejoindre la pointe Kanguroo. H n’y avait plus de
route tracée, et il me fallut prendre à travers champs.
Comme j’arrivais à la pointe, j’aperçus à quelque
distance la fumée du steamer qui venait de partir.
Je voyais avec douleur que je serais peut-être obligé
de passer la nuit dans Wellington-tap ou Waterloo-
grog-shop, et malgré ces pompeuses dénominations,
cela me souriait fort peu, lorsqu’un matelot vint me
proposer de fréter sa chaloupe, moyennant cinq shel-
lings ; il se faisait fort de me mettre avec mon cheval
sur le quai d’Hobart-Town. J’acceptai avec empressement.
La brise était bonne, la mer belle, et une
heure et demie après j’étais chez moi.
En traversant la rade, je comptai treize navires
baleiniers français ; un d’eux, la Dimkerquoise, avait à
bord 2500 barils d’huile, dont un tiers de cachalot.
Hobart-Town est un excellent port de ravitaillement
; les vivres frais y sont bons et à un prix convenable
; Teau est bonne et facile à faire, et, comme
je Tai dit plus haut, on peut y faire aisément toutes
les réparations de coque et de gréement.
La plupart des baleiniers qui étaient à l’ancre
étaient dans un état complet de désorganisation ;
sauf ceux de la Dimkerquoise et de quelques autres
navires, qui avaient la moi lié ou le tiers de leur cbargement;
les équipages étaient en pleine insurrection.
H y a dans l’armement de ces bâtiments un vice radical
auquel il faudra têt ou tard que le gouvernement
apporte remède. Il a cependant fait assez d’avantages
aux armateurs pour que ceux-ci se montrent plus
larges à l’égard de leurs matelots.
Un bâtiment baleinier de 600 tonneaux, a de
soixante à quatre-vingts hommes d’équipage; sur
ce nombre, il a trois officiers, deux ou trois har-
ponneurs, un chirurgien et une dizaine de matelots;
le reste se compose d’hommes pour la plupart
ramassés sur le pavé du Havre ou de Paris, bons tout
an plus à nager les pirogues. L’armateur paye au
matelot une avance de 250 francs, et il ne lui assure
qu’une part très-minime dans la pêche, qui
varie du 220" au 230" ; chacun sait que le marin est
l’être le moins prévoyant. Avant de partir, il n’a plus
un sou de ses avances, et les trois quarts du temps
il n’a même pas les vêlements nécessaires pour supporter
îa rigueur des climats où il va naviguer. A
îa mer, le capitaine lui vend vingt fois leur valeur des
habillements de pacotille qu’il a bienlêt usés, et
comme il n’a pas d’argent, on lui retient un intérêt
énorme sur ce qu’on lui a ainsi avancé. Si la pêche
est mauvaise, même médiocre, le pauvre diable,
qui, pendant deux ans a fait le métier le plus dur,
bien loin d’avoir gagné quelque chose, revient en
France avec les dettes qu’il a contractées envers
son armateur; dettes qu’il ne peut payer qu’en con-
li*actant un nouvel engagement.
Il