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jolie figure, au visage triste et singulièrement tatoué r
plusieurs personnes de l’équipage pensaient que c’é tait
sa femme : sous les haillons dont ces indigènes
sont couverts, il est fort difficile de reconnaître le
sexe; aussi les méprises sont-elles fréquentes.
Je reçus, le lendemain, une nouvelle visite des capitaines
baleiniers dont les navires étaient mouillés au
havre Peraki. Le capitaine de la Pauline venait me
demander du cuivre pour réparer les ferrures de son
gouvernail; heureusement il nous en restait suffisamment
pour pouvoir lui rendre ce petit service.
Ces pêcheurs m’apprirent que le havre Peraki n’offrait
qu’un mouillage très-précaire, exposé aux vents
de S. 0 . qui y soufflent souvent avec force; il arrive
fréquemment que les navires chassent sur leurs ancres
et vont échouer au fond de la baie ; toutefois
nos baleiniers préfèrent généralement ce mouillage
à celui d Akaroa, parce que leurs pirogues peuvent
bien plus facilement faire la pêche dans la haute
mer.
Cette journée était la dernière que nous devions
passer sur la rade; j’en profitai pour faire une dernière
course dans le fond de la baie. Le sol d’Akaroa
est moins sablonneux que celui d’Otago, la végétation
y est plus belle et plus variée; cependant, sur le contour
de la baie, la roche se montre presque à nu et
forme des falaises très-élevées ; elle présente partout
les caractères volcaniques ; le terrain environnant est
très-accidenté : partout ce sont des montagnes très-
élevées , séparées par des gorges profondes et pres1
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que impénétrables où le terrain cultivable est fort peu
étendu. Une langue de terre qui s’appuie sur le fond
du havre, le divise en deux anses ; là , le terrain
s’élève en pente douce sur un espace assez considérable.
Le sol, arrosé par de jolis ruisseaux, est certainement
le mieux approprié aux travaux d’agriculture ;
mais jusqu’ici ils n’ont pas été exploités; les Européens
qui se sont fixés à Akaroa , sont allés planter
leurs tentes à côté du village indigène, où ils ont
fait quelques plantations de légumes autour de leurs
demeures. Presque tout le terrain cultivable a été défriché
par eux ou par les indigènes, mais son etendue
est si petite, que c’est à peine si ces cultures fournissent
aux besoins de cette faible population. En
résumé, le bassin d’Akaroa paraît tout à fait impropre
à nourrir une population un peu nombreuse ; en
choisissant ce point pour y fonder plus tard un établissement,
le gouvernement français n’a considere
que la beauté du port, les facilités de le défendre, et
enfin les précieuses ressources qu’il pouvait offrir a
nos navires baleiniers. S’il s’était agi d établir une
colonie sur l’île Tavaï-Pounamou, dans l’intention de
s’étendre, pour créer sur la Nouvelle-Zélande des établissements
rivaux dé ceux de l’Angleterre dans l’Australie
, sans contredit la baie d’Âkaroa, eût été très-
mal choisie pour un premier établissement : ce n est
pas tout, en effet, pour qu’une colonie naissante reunisse
des chances de su ccès, de posséder un havre
vaste et sûr, qui puisse abriter les navires; il faut
encore que les colons soient assurés non-seulement