I
sur le territoire du district pénal, je n’avais pas autre
chose sous les yeux, et j’avoue tout prosaïquement
que j’aurais préféré de beaucoup les jolies fermes
et les riants vergers des environs de Richmond. Je ne
sais quelle impression pénible me serrait le coeur. Ces
sombres massifs de verdure me pesaient sur la tête,
et ce fut avec un véritable sentiment de joie que j’aperçus
le havre, dont les eaux, éclairées par un admirable
effet de soleil couchant, venaient doucement
se briser au pied de ces arbres séculaires.
Une jolie embarcation nous attendait avec des rafraîchissements.
Les Anglais (et certes c’est une sage précaution
) ne s’embarquent jamais sans biscuit ; un
verre d’excellent madère acheva de chasser au loin
le reste des sombres impressions de la forêt.
Nous n’avions plus que deux milles à faire pour
arriver ; la bonne embarcation eut bientôt franchi la
distance, et à sept heures du soir, nous mettions pied à
terre sur un joli môle. Quelques maisons, petites,
mais propres et bien tenues, se développaient sur la
colline,
M. Lamprière me conduisit chez lu i , où il m’avait
fait préparer une chambre. Je n’oublierai jamais le
bienveillant accueil que j’ai reçu dans son excellente
famille ; mon plus grand bonheur serait de pouvoir,
à mon tour, leur rendre les so in s, les politesses
dont ils m’ont entouré. Puissent ces lignes traverser
l’Océan et lui porter le faible témoignage de ma vive
reconnaissance. M. et madame Lamprière parlaient
le français purement, sans le moindre accent anglais;
m
leur famille, qui habitait la France, y fut retenue lors
de la rupture de la paix d’Amiens, et ne l’avait quittée
qu’en 1812.
Je venais de débarquer lorsque je vis arriver M. le
capitaine Bootb. Il venait m’engager à d îner, k chose
était convenue entre M. Lamprière et lu i, et je n’eus
que le temps de changer de vêtements.
La maison de M. Bootb était bâtie sur le sommet
d’une petite pointe que dominait toute la baie ; comme
toutes les habitations de la colonie, elle est tenue
avec une propreté remarquable. Mon hôte m introduisit
dans un joli salon meublé avec goût, où une
foule d’albums, d’inutilités fasbionables, mille de ces
petites babioles si élégantes, annonçaient la présence
d’une jeune maîtresse de maison : en effet, je vis bientôt
apparaître une charmante jeune femme, une de
ces ravissantes têtes blondes dont la vieille Angleterre
seule a le secret. Après un dîner tout anglais, nous repassâmes
dans le salon, où des keepsake de toute forme,
de toutes dimensions, étaient étalés sur un guéridon.
M. et madame Bootb n’entendaient pas un mot de
français, il me fallut appeler à moi tout mon anglais,
et, grâce à l’obligeance deM. Lamprière, au bout de
quelque temps nous pûmes nous comprendre.
Le lendemain , je consacrai toute ma journée à visiter
les Pénitenciers. Il y a à Port-Arthur deux établissements
bien distincts, celui des hommes et celui
des enfants.
Ce dernier est bâti sur une grosse pointe qu’on
kisse à bâbord en entrant dans le havre; elle a reçu
■M