!f ï
■ i ri
i j
i î
i
1840.
Mars.
11
nous avaient entraînés dans le sud; malgré ma vive
impatience, il fallut remettre le mouillage au lendemain.
Enfin, le 11, à midi, nous entrions dans la baie :
l'île Enderhy présentait sur notre droite ses terres
uniformes et nues, tandis que, sur notre gauche, la
mer brisait avec force un vaste récif dominé par l’île
Green et quelques têtes de roches. Un large et profond
canal conduit à la baie Sarah’s bosom ; ce port est
un des plus beaux que je connaisse; nous n’en parcourûmes
point cependant toute rétenduc; nous
vînmes laisser tomber l’ancre dans une belle baie au
milieu de laquelle se trouve un petit îlot.
Il nous avait fallu presque toute la journée pour
atteindre le mouillage; il était trois heures et demie
lorsque, toutes nos voiles étant serrées, nous pûmes
descendre à terre; déjà nous avions commencé à apercevoir
quelques arbres rabougris sur cette côte ; devant
nous se trouvait une plage de sable, où un petit
ruisseau venait mêler ses eaux à celles de la mer ;
sur ses bords s’élevait une maisonnette bâtie par
quelques pêcheurs, qui, après y avoir établi leur laboratoire,
l’avaient laissée debout pour leurs successeurs;
nous en profitâmes. La relâche devait être
courte; aussi, dès le môme soir, M. Dumoulin alla
prendre possession de cettecabane, afin de commencer
immédiatement ses observations de physique. Deux
tentes furent établies à quelque distance de là : l’une
devait servir d’observatoire, et l’autre était destinée
à recevoir la chaloupe de la Zélée, qui avait besoin
de quelques réparations urgentes. La cabane des pêcheurs
devint le rendez-vous habituel de tous les
promeneurs qui parcouraient les alentours.
Près de là se trouvait une pointe assez élevée, sur
laquelle on avait fixé un petit pavillon 'rouge q u i,
dès notre entrée sur la rade, avait attiré notre attention.
Ce petit promontoire, remarquable par un grand
nombre d’arbres coupés par les baleiniers, et blanchis
par le temps, partage la baie en deux petites
anses. L’aspect qu’il présente de loin, la présence
de ce petit pavillon rouge, piquait assez vivement
notre curiosité pour que ce fût un des premiers
points à visiter. Nous reconnûmes que cet endroit
avait été choisi pour servir de dernière demeure à
deux ou trois marins appartenant sans doute à des
navires baleiniers. La sépulture de l’un d’eux était
surmontée par une petite croix de bois; la terre paraissait
fraîchement soulevée : c’était celle de M. Le-
françois, armateur ou capitaine baleinier, qui s’était
suicidé sur cette île, de désespoir de n’avoir pu réussir
dans l’application d’un nouveau système pour harponner
la baleine, dont il élait l’inventeur. M. Lefran-
çois avait imaginé de lancer les harpons avec des
armes à feu ; enthousiaste de sa nouvelle découverte,
comme tous les inventeurs, il avait voulu lui-même
en faire l’essai ; désespéré de son peu de réussite, la vie
lui était devenue à charge, et il choisit ces îles dé-
setres pour mettre son fatal projet à exécution.
Dans la cabane dont il a été déjà question, il existait
plusieurs inscriptions ; la première nous ap18
40.
Mars.